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11 juin 2021

Une corneille m’a fait cadeau de sa plume!

Ce mois de juin est tellement magnifique qu’il me fait oublier toutes les présentes misères de la terre. Levée avec le soleil, mon premier réflexe est toujours d’activer la machine à café. Lorsqu’il coule et parfume la cuisine, je verse dans un pichet assez de crème pour trois à quatre cafés et j’ajoute dans mon cabaret un joli bol de grenailles de viande, d’omelette ou d’œuf à la coque, des coupures de fruits, des graines et des noix pour mes copines aussi matinales que moi. Puis, je m’installe sur la terrasse arrière. Comme chaque matin, elles sont là, surexcitées et bavardes, agglutinées sur le toit en pente de la verrière. Elles jacassent, criaillent et croassent telles de véritables « pop stars » adulées.

Puis, tout d’un coup, elles se taisent, leurs billes noires toutes rivées sur le plateau de gâteries que je dépose sur la table ronde en fer blanc. Elles savent qu’elles y goûteront à petites bouchées lancées dans le gazon tout picoté de jeunes pissenlits.

Au troisième café, j’ai l’extrême surprise de voir l’une d’entre elles atterrir sur ma table. Je reste bouche bée. C’est la première fois qu’un oiseau m’approche de si près. J’adore les corneilles, je leur parle et les nourris chaque matin de beau temps. Je n’ai pas peur. Peut-être qu’elles ont enfin compris à quel point je les aime. À quel point, de la mi-octobre jusqu’à la mi-mars, elles me manquent pendant qu’elles se dorent les plumes dans le Sud américain!

Me voici donc en extase devant cette mystérieuse créature dont le regard me supplie de l’écouter. Je la dévisage et elle reste immobile. Puis, après ce long moment d’intimité, l’oiseau magistral ouvre son aile droite, dépliant une à une ses plumes encore plus noires que la nuit. Je suis éblouie comme l’est la quinzaine de ses copines nous dévisageant du toit de la maison. Puis le bec tranchant de la corneille détache de son aile une longue plume et me la donne. Je tremble presque en la recevant. Les yeux noirs de cette mystérieuse amie pénètrent dans le blanc des miens. Tout doucement, elle ouvre sa bouche, et d’une voix de gouttes de pluie pour assoiffés, elle me dit :

                                 « UN CŒUR NE SE JUGE PAS PAR L’AMOUR 

                          QU’IL DONNE, MAIS PAR CELUI QU’IL REÇOIT DES AUTRES »

Je suis sans voix devant cette corneille qui parle et me récite une longue phrase énigmatique!

Et qui suis-je pour lui répondre? Va-t-elle m’entendre et comprendre ce que je lui dirai? 

— Oui, ma très chère petite Coco, je vais t’entendre et comprendre ce que tu voudras bien me dire.

 Me voici extrêmement surprise que cette corneille puisse non seulement parler, mais aussi connaître l’affectueux sobriquet que papa utilisait à mon égard toute petite.

— Je viens m’assurer que tu as bien compris le premier message.

— De quel message parles-tu, bel oiseau? 

— Tu le sais, chère Coco, mais tu n’as pas osé croire à la magie. Te souviens-tu des trois enveloppes que t’a données en rêve un fakir de kermesse durant la nuit du 19 mars dernier?

(Référence à la lettre : « La nuit dernière j’ai fait un rêve » publiée le 19 mars 2021 et disponible ici)

— Je viens de te réciter le message contenu dans la première enveloppe. Est-ce que tu le comprends? Toi qui t’inquiétais de ne pas avoir aimé suffisamment tes enfants et tes proches; toi qui avais peur que ton pauvre cœur en subisse le courroux. Ne t’inquiète plus. 

— Es-tu un oiseau magicien?

— Je suis une maman corneille mariée pour la vie et ayant plusieurs responsabilités familiales. Je dois aider à construire le nid. J’ai aussi la charge de trouver la nourriture, de couver les petits, d’élever les oisillons et de voir à l’entretien de notre abri. L’autre soir, en cherchant des vers de terre pour notre souper, je t’ai vue par la fenêtre. Tu visionnais la biographie de Judy Garland en DVD et tu avais la larme à l’œil tellement la vie de la chanteuse était triste et malheureuse.

— Tu m’as vue pleurer?

— Oui, je t’ai vue pleurer et, à la fin du film, je t’ai aussi vue copier dans un calepin la célèbre phrase du Magicien d’Oz mise en exergue à la fin du film.

                            « UN CŒUR NE SE JUGE PAS PAR L’AMOUR

                QU’IL DONNE, MAIS PAR CELUI QU’IL REÇOIT DES AUTRES »

— Cette phrase est pour toi, pour ton cœur meurtri. Sois plus douce avec toi-même. Tu es, chère Coco, une bonne personne, talentueuse et généreuse. Et nous les corneilles, nous raffolons de tes gâteries, de tes sourires et de la délicieuse attention que tu nous portes. Ta maison est entourée de gros arbres et la forêt est à deux pas. Que vouloir de plus? 

Nous, les corneilles, on nous traite souvent d’oiseaux de malheur, mais à bien y penser, nous pourrions réfléchir à ton bonheur. Tu sais que nous volons très haut dans le ciel et que nous sommes certainement capables d’attraper un ange par le talon. Un ange pouvant t’enseigner la magie de croire aux forces de l’Univers.

— Toute ma vie, j’ai voulu y croire. Jadis, dans le pire de la tourmente, j’ai même écrit une lettre de deux cents pages au Maître de là-haut pour implorer son aide. Nuit et jour à cette époque, je fixais le ciel. J’attendais une réponse; une main sortant de derrière un nuage, un tremblement significatif dans mon cœur. Mais rien n’advint et j’ai alors conclu que le seul chemin serait celui d’un lourd fardeau à transporter. 

— Tu es sur la bonne route, chère Coco, et les cailloux du chemin sont de moins en moins blessants sous tes pas. Ne le remarques-tu point? Avance avec joie, continue de parler aux oiseaux et utilise la belle plume que je t’ai donnée. Cette plume en a bavé elle aussi, trempée dans le labeur à cœur de jour.

Je suis chamboulée. La brillante corneille a raison. Lorsque j’ai lu cette phrase du Magicien d’Oz à la fin du film, j’ai tout de suite voulu y croire. La bienveillance et l’affection que je reçois de vous, chers lecteurs, sont un baume sur mon cœur; comme l’ont probablement été les applaudissements pour Judy Garland. Lettre après lettre, vos nombreux commentaires enjolivent mon quotidien, guérissent mes blessures, donnent des ailes à mon imagination et m’encourage à continuer.

Pardonnez-moi la fantaisie d’une corneille m’ayant donné sa plume. À mesure que des millions de petits bourgeons s’installent sur les branches, mes yeux, mes oreilles et mon cœur s’amalgament aux forces magiques de l’Univers.

Et, tel un affable printemps, tout mon être espère l’allégresse. 

          Cora

             ❤️

   

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