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31 mars 2024

Trois désirs, trois regrets

Très chers lecteurs, voici qu’en cette fin mars, l’amie journaliste récidive et m’invite à répondre à de sérieuses questions capables, selon elle, de dépoussiérer ma caboche. J’accepte de jouer le jeu encore une fois.

— Quelles sont les trois choses qui donnent un sens à votre existence?
Ce qui donne un sens à ma vie, ce sont mes enfants. Ils me donnent l’assurance d’appartenir quelque part, de faire partie d’une famille, et d’être un important maillon de leur fratrie. Je dois nommer l’entreprise que j’ai créée et qui m’a définie comme entrepreneure à succès. Je ne sais vraiment pas comment j’ai acquis ce talent des affaires. Peut-être est-ce grâce à ma créativité, ma vaillance et ma capacité remarquable d’avoir compris assez rapidement le concept de franchisage et le maniement des affaires commerciales au Canada. Finalement, bien que sur le tard, il y a cette écriture qui envahit mon quotidien tel un immense paquebot me permettant de revisiter en touriste tous les ports d’attache de ma vie avant l’ultime escapade.

— Quelles sont vos trois plus grandes qualités?
— Ces qualités sont certainement le courage, la créativité et la persévérance. Toujours, toujours le courage enrubanne mes efforts. Un brin de créativité descend du ciel chaque fois que j’en ai besoin et cent fois sur le métier je remets mon ouvrage. J’essaie de faire pousser des fleurs dans le désert. Des heures durant, je peaufine mes mots pour en faire des tigres blancs du Bengale, des poissons mandarins ou de fabuleux oiseaux de paradis.

— Quels sont les trois actes les plus courageux que vous avez accomplis?
— Ce fut premièrement de garder mon bébé au lieu d’avorter comme le voulait son géniteur. Puis celui de m’enfuir avec mes trois enfants après treize années de malheur conjugal. Finalement, pauvre comme Job, ce fut d’ouvrir un premier petit resto de déjeuner qui, par miracle, devint une grande chaîne de restaurants.

— Quels sont les trois souvenirs les plus percutants qui demeurent présents à votre mémoire?
— Je ne pourrai jamais oublier les mains momifiées de ma mère sans cesse rongées par l’eczéma. Sa figure fracassée que j’ai dû identifier à la morgue après une collision frontale qui l’a tuée. L’accouchement très difficile de mon premier enfant pour lequel des forceps ont dû être utilisés pour le sortir de mon ventre.

— Quels sont les trois regrets que vous ne pourrez jamais oublier?
— Jeunette, c’était facile de regretter quelque chose. Une mauvaise note à l’école, une partie de tennis affreuse. J’ai pourtant appris en vieillissant que tout a été nécessaire. Comme le sel et le poivre, le pire et le meilleur font partie de la recette d’une vie. Pour citer la très célèbre Édith Piaf que j’aime encore beaucoup, je dirais moi aussi : « Non, rien de rien. Non, je ne regrette rien ».

— Quelles sont les trois choses les plus difficiles que vous avez dû accepter?
— Plusieurs choses difficiles se sont présentées à moi, je l’avoue, mais je refuse de les compter. Vous connaissez ma vie. Vous savez qu’à la longue, une grosse difficulté se transforme en petit déluge qui finit toujours par s’assécher. Il y a dans ma tête cette idée des extrêmes à éviter : le très haut/le très bas, le oui/le non, le bon/le mauvais, le blanc/le noir. Je préfère m’imaginer au milieu des extrêmes.

— Quelles sont les trois peurs qui vous tourmentent encore?
— J’ai une peur bleue des serpents, même des tout-petits que nous rencontrions en jouant dans les champs du grand-père. J’ai aussi peur des souris, c’en est inconcevable. Dans ma vieille maison de campagne, je suis presque en forêt. Les chevreuils, les dindes sauvages, les marmottes, les grosses corneilles, je les aime tous, mais j’ai peur d’une petite queue noire de souris dans une armoire! J’ai aussi un peu peur de la police lorsque je conduis dans les villages de notre beau pays. La nature magnifique me distrait et peut me faire oublier certains arrêts.

— Quels sont les trois meilleurs amis que vous avez encore dans votre vie?
— Généralement, les bons amis se comptent sur les doigts d’une main. Mais en vieillissant, en travaillant moins et en écrivant depuis presque trois ans dans le même café du village, les bons amis sont de plus en plus nombreux dans mon entourage et je m’en réjouis. Je les ai nommés dans la lettre NOUS ÉTIONS TREIZE À TABLE publiée ce 21 janvier 2024.

— Quels sont les trois désirs que vous n’avez pas encore assouvis?
— Quelle immense montagne que ce mot « désir »! Une petite chose m’arrive, un compliment, un regard, un sourire et mon cœur active la manette « désir ». Ne devrais-je pas avoir passé l’âge de prendre mes désirs pour des réalités? Je n’en suis pas certaine! Je grappille encore les miettes d’affection qui s’envolent en secouant la nappe.

— Quels sont les trois compliments que vous recevez régulièrement?
— Comme je lis tous les commentaires de mes fidèles lecteurs, je crois sincèrement que ce sont mes beaux mots qui reçoivent le plus d’éloges. Puis mes barniques rigolotes et mes fringues colorées. Je détonne, je rigole, mais je crois fermement que cette originalité me fait du bien. M’habiller, agencer mes couleurs et me crêper la couette s’avère mon petit moment créatif de la journée. Pour terminer, il est vrai qu’on me complimente souvent pour mes talents culinaires! Ils ont jadis servi à bâtir l’entreprise et je continue à les mettre à l’œuvre pour éblouir mes proches et, surtout, mes petits-enfants.

Mille mercis, dame Isabel.

Cora

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