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23 mai 2020

Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Déjà, l’invincible mère Nature s’affaire à déployer ses parures printanières à la grandeur de notre hémisphère. Dites-moi, avez-vous remarqué sur les branches des arbres les petits bourgeons installés en première loge? Et les audacieuses jonquilles vite sorties de la terre à peine amollie? Avez-vous levé la tête pour contempler la parade en grands V d’outardes découpant le ciel et tiré l’oreille pour entendre leur charabia battant la cadence dans l’azur éberlué?

Envers et malgré tout, cette force herculéenne de l’Univers soutient la voûte céleste d’une main et nourrit de l’autre jusqu’aux plus petits organismes vivants.

Et moi, indomptable vieillotte, oserais-je espérer que le monstre aux enjambées diaboliques ne trouve point mon logis? Oserais-je croire que je puisse être épargnée malgré l’immensité du temps dont j’ai déjà bénéficié ici-bas? Me serait-il possible de regretter tous ces jours où je n’ai pas regardé un arbre de près? Toutes ces jasettes d’oiseaux qui ont atterri dans mes oreilles sans réponse. L’incessant bruissement des branches s’étirant au soleil, l’effervescence des abeilles, le parfum des fleurs et l’amitié des animaux? Toutes ces occasions magnifiques que j’ai ratées parce que je me pensais plus importante ailleurs. Tant de jours et de tant d’années à laisser fondre la neige, verdir le gazon, rider ma peau et faiblir ma verve!

Et pourtant, pourtant.

« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », disait Théocrite, (poète grec né en 310 av. J.-C.). Et c’est justement dans cette espérance bénie que je veux m’immerger et renaître meilleure, plus lucide, plus attentive et plus admirative de cette sérénissime dame Nature coordonnant toute l’organisation physique de notre planète.

Vous vous en doutez, ces dix dernières semaines de confinement auront suffi à ce que je devienne totalement consciente de l’importance monumentale de la Nature.

Moi qui viens d’un fleuve descendant vers la mer entre les falaises rouille de la Gaspésie, je n’ai remarqué des champs que les petites fraises sauvages avec lesquelles maman nous faisait de la confiture. Puis, vite harponnée par l’obligation de nourrir mes propres bambins, j’ai joint le marathon de la vie sans même m’informer de la prime au gagnant. J’ai cuisiné, travaillé et bûché à outrance jusqu’à ce que mon Soleil éclaire tout un pays. Puis, des centaines de personnes ont pris la relève.

Ma récompense ultime, elle, a tout simplement germé en moi, pendant ces longues semaines d’accalmie. Peut-être est-ce en mars, en marchant dehors, qu’une céleste semence enveloppée dans un flocon de neige est tombée sur ma tête, a glissé dans mon oreille et a rejoint dans mon cœur, un terreau avide d’aimer.

Ou peut-être est-ce encore moi, en avril, marchant dans les rues des quartiers habités en voulant sauver les petits bourgeons des branches incongrues, coupées et jetées à la rue.

Chaque jour, je ramassais discrètement quelques branches et les ramenais à la maison pour les déposer dans un vase d’eau fraîche. Sur ma grande table trône désormais un beau bouquet de bourgeons que j’ai inondé de becs et de gentils petits mots d’amour. Et ce matin, le bouquet est presque un arbre rempli de jeunes feuilles toutes heureuses d’avoir chaud dans ma grande cuisine.

 

Comme les branches, je suis moi-même en train de refleurir, plus compréhensive, plus heureuse et totalement convaincue que la bienveillance, l’affection et l’amour sont les meilleures vitamines de croissance.

Cet immense privilège que nous avons d’être vivant, puissions-nous en faire bon usage en aimant davantage.

❤️

   Cora

PS : Montagne de becs sucrés à chacun d’entre vous

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