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8 avril 2022

S’arrêter pour réfléchir!

Encabanée dans ma grande maison aux six divans, j’ai enfin eu le temps de réfléchir. Ces trente dernières années, par monts et par vaux, j’ai sillonné notre grand pays afin d’y planter un peu partout de belles grandes tables à déjeuner. Et j’ai eu drôlement besoin d’un repos quasi obligatoire pour enfin me calmer les hormones. La pandémie et son sévère confinement me l’ont procuré.

Au début, comme tout le monde, j’ai ragé contre cette abominable calamité dont personne n’avait prédit l’arrivée. J’ai pleuré la mort hâtive de beaucoup trop de personnes âgées. Et, masquée jusqu’aux oreilles, j’ai eu peur pour ma propre vie, celle de mes enfants et de mes petits-enfants. J’ai prié pour nos proches, nos franchisés, nos employés, nos clients et la planète entière. Chaque matin, j’ai entrepris de marcher quelque deux kilomètres dans la nature pour apaiser mon esprit et me coller à l’indéfectible sagesse des arbres.

Pendant ce confinement obligatoire, j’ai eu tout le temps au monde pour réfléchir à ma vie, à mes bêtises, à mes excès et à mon entêtement à réussir à tout prix. Comme si mon existence en dépendait; comme si le nombre d’établissements allait être l’unique barème pour me définir. Et le méchant virus est arrivé, bousculant nos habitudes, nos croyances et ma ferme conviction de vivre jusqu’à cent ans. Je le désire encore, mais avec un peu plus de détachement, comme il me plairait qu’il fasse soleil demain.

C’est un fait, je ne suis plus à la barre de quoi que ce soit d’important. Et je survis, heureuse d’être encore de ce monde et confiante dans l’avenir. Voulant garder contact avec nos précieux clients, dès le début de la pandémie, j’ai entrepris de leur écrire une lettre chaque semaine et j’en suis à la cent-cinquantième, presque. J’ai retrouvé ma passion de jadis! L’écriture, je vous l’avoue, a été ma meilleure thérapie. Elle a vidé ma tête d’un lourd passé. Mes plus beaux et mes pires souvenirs se sont égarés dans un fouillis de paragraphes, la plupart aujourd’hui grugés par l’oubli.

Jadis, j’étais tellement contrariée de ne jamais pouvoir en faire autant que j’aurais voulu. Quelques fois, je me souviens, l’espoir me coupait les pattes, mais je restais debout, m’accrochant à l’aile d’une corneille ou, mieux encore, à la patte d’un loup. Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus forte. J’ai perdu des plumes, mais j’ai gagné la bataille. Les épreuves ont égratigné ma vie, mais je réalise qu’elles ont aussi été le brouillon de ma réussite. Je le comprends maintenant, et je prends le temps d’apprécier ma résilience, de compter mes bénédictions et d’égarer en forêt la plupart de mes petits chagrins incrustés. Oui, oui, vous devez me croire; je n’entends presque plus mon cœur brailler.

Étendue bien souvent sur le divan rouge du salon ou sur le vert kiwi de la verrière, j’ai eu amplement le temps de revisiter mon passé, mes exploits, mes épreuves, et j’en conclus que tout a été nécessaire. J’ai aussi pu reconnaître et m’approprier quelques belles qualités fort aidantes à mon succès : la créativité, l’audace, la persévérance et le courage.  Ce confinement a été pour moi comme une longue convalescence émotionnelle qui a finalement accouché d’une nouvelle énergie vitale. La souffrance a foutu le camp et mon appétit de vivre pourrait dévorer un volcan. L’inaction m’a forcée à réfléchir, à assumer ma force et ma fragilité. J’ai appris à voir clair et plus loin que le bout de mon nez.

Ayant eu très peu de choses pour m’étourdir, j’ai été beaucoup plus calme, moins entreprenante, plus profonde, et plus en harmonie avec la nature et mes réels besoins. Les amitiés décevantes se sont desséchées et les pies assourdissantes ont fui mes parages. J’ai aussi fait la paix avec les deux chipies « Vieillesse et Retraite » (lettre publiée le 13 mars dernier) et au lieu de les ignorer, j’ai accepté de faire partie de leur club. À bientôt 75 ans, il n’est pas trop tôt!

À mesure que la normalité se réinstalle, la joie et le plaisir de socialiser refont surface. Un bon déjeuner au resto, une fête d’enfants, une visite dans une bouquinerie, un café entre amis et la musique valsent rapidement dans nos têtes. Je vous le jure, ces jours-ci, une couronne de possibilités encercle mon occiput. Mon premier voyage en bagnole sera certainement de refaire une énième fois le tour de ma Gaspésie natale pour respirer l’air de la mer, manger du poisson frais et emmagasiner dans ma tête et dans ma caméra des paysages à couper le souffle. N’avez-vous point, vous aussi, l’impression de revivre, allégés, curieux, et encore plus amoureux de la vie? Je vais également réintégrer mon rôle honorifique de fondatrice visitant avec un immense plaisir nos courageux franchisés un peu partout à travers le Canada. Et, au début de l’été, j’aurai l’extrême bonheur de vous présenter un petit chef-d’œuvre conçu par l’équipe créative de l’entreprise : Un tout nouveau grand menu de déjeuners.

Cora

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