Pourquoi écrire?
Depuis ma découverte de l’alphabet en première année, j’ai commencé à écrire et je n’ai jamais vraiment arrêté. Toute petite, j’ai tout de suite été éblouie par le pouvoir magique de chaque voyelle ou consonne servant à la transcription des sons de notre langue. Et j’ai vite appris à reproduire dans mon petit cahier d’écriture tous les signes graphiques de l’alphabet. Je jouais à accoler trois ou quatre lettres ensemble pour former un mot ayant une signification bien précise comme : CIEL, MOI, OUI, BLEU, VRAI, SOIR, FILLE, ŒIL, PAPA, JOUR, CHAT, BÉBÉ, PEUR, NUIT, FÊTE.
J’étais fascinée par la magie de ces petits mots pouvant désigner tantôt une chose aussi immense que le CIEL, et tantôt un moment aussi noir que la NUIT. Cette découverte fut pour moi plus précieuse que l’OR de la bague de maman. Oui, oui, vous avez bien lu : un si petit mot pour un métal aussi précieux.
Ayant vite compris le pouvoir des mots, quels qu’ils soient, j’étais doublement heureuse d’avoir la possibilité d'en apprendre davantage, et surtout, de m'exprimer de mieux en mieux, en silence sur la page. J’ai vite préféré l’écrire plutôt que de le dire tout haut, lorsque j’étais fâchée contre frérot. Bien souvent j'écrivais ma peine au lieu de pleurer lorsque je voyais maman trop triste.
Écrire devint à l’adolescence l’ultime refuge à tous mes états d’âme. Bien souvent, je noircissais la page essayant de découvrir qui j’étais face aux choses qui survenaient. J’écrivais sans doute en vain puisque chaque jour, chaque chose et chaque événement me transformaient en une nouvelle personne à découvrir.
Toute petite, l’écriture me servait à réinventer mon quotidien. Je me souviens d’un texte que j’avais écrit en troisième année dans lequel j’imaginais une cuisine époustouflante de joie avec maman tout de rose vêtue et mettant au four le pouding préféré de papa. Elle l’attendait en fredonnant pendant que nous, les enfants, étions cordés sur le grand banc de la galerie, nos yeux scrutant l’horizon. Puis, soudain, un minuscule point bleu émergeait du lointain et avançait sur la route 132. Nous sautions de joie lorsque l’automobile bifurquait sur notre lot. Et papa, tout mince et rayonnant de bonheur, montait les marches au galop tellement il avait hâte de nous gratouiller les joues avec sa barbe piquante.
J’ai noirci des centaines de pages à me faire accroire que nous étions une famille parfaite. À quinze ans, j’ai même commencé à écrire des poèmes pour mieux dissimuler la tromperie que j’entretenais d’emblée dans mes longs textes. Influencée tout probablement par Verlaine et Raimbault, ma poésie beaucoup plus réaliste était capable de faire valser ensemble noiraude tristesse et franche allégresse.
Puis la vie, la vraie, m’est tombée dessus à l’aube de mes vingt ans : un enfant arrivé trop tôt, un méchant mari, tous mes rêves brisés et une réalité encore pire que la cuisine de mon enfance. L’écriture a vite foutu le camp me laissant aussi seule qu’un unique lapin cherchant une carotte dans le Sahara. Deux autres enfants m’ont empêchée de mourir de chagrin. Et l’époux s’est enfui permettant à la vie de me revenir. Trente ans sont passés à gagner notre croûte, à créer une belle entreprise pour laquelle j’ai tout écrit, de la simple recette à l’histoire détaillée de chaque avancement significatif.
Puis, vieillotte aguerrie, j’entame mon dernier quart de siècle. À la retraite et bien au chaud, voilà qu’une pandémie mondiale nous enferme dans nos chaumières.
Acceptant mon sort, un véritable miracle se produit. Tel un ange se matérialisant devant moi, l’ÉCRITURE s’empare de moi. Plus fougueuse et exaltante que jamais, elle devient ma raison de vivre, mon passe-temps favori et la nourriture de mon contentement.
C’est donc avec cette volonté de demeurer tout près de vous, très chers clients, que j’ai commencé à vous écrire chaque semaine une belle lettre parlant de tout et de rien; du passé, du présent et d’un avenir fantastique qui nous attend. Bien souvent, je constate que des miracles de souvenance arrivent dans ma tête et me font vous raconter toutes ces histoires des déjeuners de chez CORA, de l’ouverture des restos, et de tout ce que je pensais avoir oublié.
ÉCRIRE c’est magique; ça ne s’explique pas! ÉCRIRE c’est comme ouvrir des fenêtres imaginaires, dessiner des ponts vers demain, arroser des fleurs célestes et accueillir des cigognes venant de nulle part. Ça ne s’explique pas. Ça ne s’enferme pas.
ÉCRIRE c’est un trésor à la portée de tous. Ainsi, plusieurs écrivent pour désherber leur jardin avant de quitter leur vie ici-bas. D’autres veulent laisser une trace de leur passage. Moi j’espère être capable de vous laisser des lignes blanches vers demain; de grandes pages blanches où vous pourrez vous déposer de votre vivant. Je vous souhaite des trous dans le ciel par où vous pourrez vous immiscer dans la magie du monde.
Je vous souhaite de découvrir en vous cette « folle du logis » que l’on nomme IMAGINATION.
Je vous souhaite également de rencontrer la princesse INSPIRATION, celle-là même qui arrive à magnifier tous vos rêves.
Et puisse l’an 2022 ramener à tous ❤️la sérénité, ❤️l’espérance et notre chère ❤️ liberté de jadis.
Cora