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14 juillet 2023

Pourquoi ai-je autant tardé?

Pourquoi ai-je autant tardé à écrire? J’avais, je suppose, besoin d’être secouée comme le pommier pour que les mots tombent d’eux-mêmes sur la terre ferme. Ce rêve d’écriture piétinait dans ma tête depuis toujours, mais la marâtre de vie m’en priva. Je me souviens, fillette, avec mes cuisses zébrées d’éraflures, je cherchais des trèfles à quatre feuilles. Je voulais tellement que la chance m’empoigne. Et voilà que je trouve une jolie branche dénudée de feuilles avec une excroissance en forme d’étoile à son extrémité. J’ai tout de suite pensé à une baguette magique abandonnée aux fourmis. Je l’ai saisie et, tout doucement, je l’ai utilisée pour caresser les lupins sauvages, les boutons d’or et les délicates campanules. Je voulais changer les fleurs en mots magiques. Peine perdue, ce sont les vilains chardons mauves qui m’ont griffé les doigts.

J’attendais qu’il m’arrive quelque chose de grandiose, mais chaque fois, un désir enfantin restait bloqué dans ma gorge. Je ne recueillais que des brindilles de tristesse et le sang des framboises sur mes petits doigts. Tant bien que mal, je tentais l’impossible.

À l’adolescence, cachée dans une petite chambre du sous-sol des parents, j’emmagasinais beaucoup trop de rêves. Ma nature gourmande m’empêchait d’être heureuse. Que d’heures perdues à me croire poète! Des milliers de feuillets barbouillés d’espoir s’empilaient sous mon lit; un ruisseau d’esquisses prometteuses se vidait dans la mer. Je n’avais, à cette époque, qu’un seul dieu, en retrait derrière un nuage.

Lorsqu’arrivèrent les études collégiales, mon cœur se mit enfin à battre très fort. Ces huit longues années furent un continuel banquet de connaissances et enfin, je pouvais ouvertement embrasser l’écriture; en faire l’œuvre de ma vie. Je jubilais. Dans ma tête immensément comblée, des milliers de mots se cherchaient de jolies phrases. Des histoires abracadabrantes s’échafaudaient et ma poésie, j’en étais certaine, allait pouvoir réveiller tous les endormis du monde. Pour sûr, j’allais bourrer mes poches de lourds cailloux pour ne pas m’envoler.

Les derniers examens réussis, j’allais fêter avec quelques copines. J’avais aussi réussi l’examen du permis de conduire et papa me prêta sa petite Volvo blanche pour ma première sortie dans la grande ville. Je me croyais intelligente et instruite. J’étais sotte et ignorante des choses de la vie.

Même les plus belles feuilles d’érable sautent dans le vide lorsque l’automne les décolore. Mes bévues sont inracontables. Cent mille oreilles pour m’entendre si je pleure. J’allais prendre mon erre d’aller et encore la gueuse de vie m’en priva.

Depuis, je récapitule à répétition mon enfance cabossée, mon envol mort dans l’œuf et ce mariage abimé qui me donna pourtant trois beaux enfants. Je ne peux plus rebrousser chemin. Ainsi va la gouverne du monde; l’achèvement de l’été, la décoloration de l’automne, les lourds froids blancs et nos vies amplement chargées de malheurs. Nous nous en allons tous vers une nouvelle terre incognito et il nous est possible de nous reconstruire galamment.

Oui, oui! J’ai beaucoup tardé à entrer dans le monde de l’écriture, mais je n’ai pas perdu mon temps. J’ai expérimenté ce qu’était la vie et j’ai compris que les griffures du temps sont longues à guérir.

Malgré l’indiscipline des mots et malgré mon cœur faussement tranquille bien souvent, je vais continuer d’écrire jusqu’à ce que le bon Saint-Pierre me tende la main.

Cora
📝❤

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