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3 novembre 2024

Le rêve du mari, mon cauchemar... Chapitre 9

Je croupissais depuis presque huit mois dans la maison de la belle-mère sans eau courante ni chauffage électrique, au cœur d’un village pauvre et déserté par toute la jeune population.

Dans l’immense courtepointe du monde, les anges entre-tissent souffrance et beauté, espoir et désarroi. Toutes les laines qui cousent l’ouvrage ont les couleurs de l’humanité. Nous, les humains, sommes des œuvres en cours de création, continuellement. Ce matin, je me demande ce qui m’est le plus difficile à avaler : mes erreurs de jugement, mes convictions erronées ou cet affreux mariage auquel j’ai consenti parce qu’un enfant grouillait dans mes entrailles. Jeune fille, j’avais pourtant une confiance illimitée dans l’avenir. Je me souviens, avec grand-père Frédéric, nous installions des collets pour capturer un ou deux lièvres pour notre souper. J’adorais ces balades en forêt! Mariée, je suis devenue le lièvre dans le collet.

Peu après avoir donné naissance à mon petit dernier, j’avais commencé à avoir des nausées et je me doutais bien pourquoi, mais je n’en avais pas glissé un mot à personne. Puis, 40 jours après l’accouchement, lors de l’examen de suivi obligatoire, l’homme s’était arrangé avec le médecin pour m’endormir et m’avorter sur le champ. Je ne lui ai jamais pardonné. Ce mari entrait en moi comme un petit serpent domestique dans une fissure. Ensuite, il fumait deux, trois cigarettes, s’habillait et partait s’amuser. Avec lui, mon cœur s’éteignait à petit feu. Je n’ai jamais pu contrecarrer les décisions du mari; ni m’élever au-dessus des besoins primaires du foyer pour réussir à expérimenter d’ineffaçables moments de grâce avec mes enfants. Pour sûr, j’aimais mes petits, je les chouchoutais et les chérissais et ils m’aimaient comme des petits chats qui ont besoin de lait, de chaleur et de caresses pour survivre. Ils me gardaient en vie.

Après le sermon de sa mère, l’homme voulut juste plier bagage et déguerpir. Sa mère, sa sœur et moi étions très surprises, mais heureuses de sa réaction. Le mari, les enfants et moi retournerions à Montréal en premier trouver un logis et ensuite faire venir la belle-mère et sa fille. Pauvre mari, la vraie vie le déprimait comme un glaçon qui fond. Indubitablement, les dieux grecs n’ont pas tous enfanté des « Zorba le Grec » qui prennent la vie du bon côté et passent leurs émotions par la danse. Ce personnage plein d’entrain issu de l’œuvre originale « Alexis Zorba » de l’écrivain grec Nikos Kazantzakis fit d’ailleurs l’objet d’un film. Lorsqu’aux petites heures du matin le mari dansait et faisait la fête, il devait être aussi heureux que le personnage de Zorba, mais je n’en étais jamais témoin. De mon temps, ces mâles grecs discutaient, sortaient et dansaient entre hommes uniquement. La plupart travaillaient dans la restauration et festoyaient comme ces précieux rois de l’antique Grèce.

Étant moi-même beaucoup plus réaliste, j’avais mal à l’idée que personne ne nous aiderait à recommencer en sol québécois. Comme le mari s’était débarrassé du peu de meubles que nous possédions avant de mettre le cap sur la Grèce, il faudrait repartir à zéro. Les belles-sœurs de Montréal m’avaient prédit que nous retournerions rapidement au Canada. Elles se doutaient, et avec raison, que nos grosses valises arrivées par bateau n’avaient pas été ouvertes. L’homme allait devoir les renvoyer à Montréal par le même chemin.

L’inquiétude et la peur me rongeaient. Je me demandais si l’époux aurait assez d’argent pour assurer notre retour au pays. Il fallait prévoir les billets d’avion ainsi que le transport par bateau des valises qu’on venait récemment de nous livrer. En plus, nous avions besoin d’un papier officiel pour quitter le pays avec notre tout-petit né en Grèce. Ce document ne devait pas être un acte de baptême pour lui éviter plus tard le service militaire obligatoire. Début novembre, le mari se rendit deux fois au consulat canadien d’Athènes et a finalement réussi à inscrire le petit Nicholas sur son passeport.

« Il n’est pire servitude que l’espoir d’être heureux », a écrit Carlos Fuentes. J’espérais une vie meilleure comme on espère la pluie en plein désert. L’ami Thanassis s’était éloigné depuis son voyage catastrophique avec le mari à Cologne et je n’avais plus personne à qui parler. L’homme attendait l’argent de ses frères pour acheter nos billets d’avion. Je ressentais une combinaison de honte et de peur. En berçant mon tout petit, de grosses larmes glissaient sur mes joues, tombaient sur les cuisses du bébé, sur ma vie inondée de petits malheurs quotidiens. Arriverions-nous à trouver un bon logis pour mes enfants et assez grand pour éventuellement accueillir la belle-mère et la belle-sœur? Une école sera-t-elle disposée à accueillir le plus vieux en janvier?

Je me sentais comme une toupie qui tourne sans cesse en essayant de se maintenir en équilibre. Plier ceci, donner ce qui n’allait plus aux enfants, repriser ou repasser cela; j’en oubliais de saler la soupe en la cuisant. Ma belle-sœur Despina essayait de me calmer puis, lorsque le tout-petit avait bien tété, elle m’expulsait de la maison pour que je puisse me changer les idées. Un certain dimanche, je profitai de l’occasion. J’empruntai le foulard de la belle-mère et me rendis à l’église du village. Le pope grec m’a bien accueillie.
— « Koritsi mou (ma fille), que puis-je faire pour t’aider? Je sais que tu as trois petits enfants, une belle-mère et une belle-sœur.
— « J’ai aussi un mari, un fainéant qui se croit sorti de la cuisse de Jupiter. »
— « Ton nom, c’est bien Cora? »
— « Oui, mon nom de baptême catholique est Marie Antoinette Cora. »
— « Ça ressemble au nom de la reine guillotinée en octobre 1793. »
Je voulus répondre au pope que le licou était déjà bien serré autour de mon cou depuis mon mariage obligé, mais je me suis retenue. Après quelques échanges, l’ecclésiastique trempa son doigt dans une eau bénite et traça une croix sur mon front en murmurant « Va en paix, jeune femme. »

Où diable se trouvait cette paix promise aux femmes de bonne volonté?

À SUIVRE…

Cora
❤️

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