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13 octobre 2024

Le rêve du mari, mon cauchemar... Chapitre 6

Treize jours sans nouvelles du mari qui devait sans doute encore se trouver à Cologne dans l’espoir de décrocher un emploi. La belle-mère commençait à s’inquiéter pour son fils et pour Thanassis, l’ami de la famille qui l’accompagnait. Les deux voyageurs allaient-ils manquer de nourriture? Ma belle-sœur Despina se disait certaine, qu’à leur retour, ils nous surprendraient avec une bonne nouvelle. Elle et sa mère en avaient parlé. Elles consentaient à déménager en Allemagne et vivre avec nous. Despina garderait mes petits et je pourrais travailler pour aider.

Début octobre, les gitans cueilleurs de coton commençaient à arriver dans notre village de Krya Vrysi. Ils dressaient leurs tentes un peu à l’écart des habitations et creusaient un trou dans lequel les femmes et les grands enfants entretenaient le feu pour cuisiner et se réchauffer la nuit venue. Quelle expérience j’ai vécue! Dès qu’ils ont été installés, je leur ai rendu visite en apportant une dizaine de brioches du lendemain du boulanger. Les femmes et les enfants se sont tous régalés. Même les tout-petits tiraient sur ma jupe pour y goûter.

Après plus de six mois d’attente, les cinq valises dans lesquelles j’avais mis tous nos pénates et que le mari avait expédiées par bateau en Grèce étaient finalement arrivées. Puisque le mari se trouvait à l’extérieur du pays, Despina et moi avons pris un arrangement pour faire livrer les valises chez ma belle-mère. Mais je ne les ai pas ouvertes. N’allions-nous pas repartir bientôt, aussitôt que nos deux prospecteurs reviendraient de Cologne avec une bonne nouvelle? Nous, les trois femmes de la maison, nous nous inquiétions et priions en silence, mais nous espérions comme on espère que l’été se pointe le bout du nez. Je n’ai jamais oublié ce verset de Matthieu : « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain prendra soin de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. »

Cette peine, cette cruelle attente, démolissait l’espoir en moi. Peut-être l’homme avait-il rencontré une quelqu’une? En 1972, nous ne disposions pas de ces téléphones portables capables de sauver une vie, la mienne peut-être. J’avais soudainement si peur du pire que je ne pouvais pas partager ce sentiment ni avec ma belle-sœur ni avec ma belle-mère. Encore une nuit, j’ai essayé de dormir collée à mes bébés, mon sein réchauffant le tout-petit. Mille idées affreuses s’infiltraient dans ma tête et j’essayais de les combattre. Je voulais m’enfuir, découvrir cette terre promise que le grand manitou m’avait réservée quelque part.

Le lendemain, épuisée, amochée, découragée, je me suis levée et j’ai réchauffé une grosse cruche d’eau pour laver mes bébés. Je les ai habillés, dorlotés, peignés et confiés à la belle-sœur pour une petite heure. Puis, je me suis rendue chez le boulanger en souhaitant l’interroger. L’homme revêtait son habituel grand tablier blanc. Je lui ai demandé si son fils Thanassis, qui voyageait avec mon fainéant de mari, lui avait donné signe de vie. Savait-il quand les deux voyageurs allaient revenir?

Le boulanger avala sa langue et ne dit rien. J’ai dû brailler à chaudes larmes pour qu’il se décide à cracher le morceau. Thanassis était rentré depuis trois jours avec l’interdiction formelle de nous en informer. J’ai cru m’effondrer.
— « S’il vous plaît, monsieur, puis-je parler à votre fils? »
— « Il est à Véria (village voisin) pour acheter une nouvelle levure à croissant. »
En pleurnichant, je lui ai répondu que mes enfants et moi aimions beaucoup ses croissants et que je lui offris toute ma reconnaissance pour m’avoir révélé la vérité et je le remerciai pour toutes les brioches et les pains invendus de la veille qu’il m’offrait si généreusement.

Chaque famille avance à son rythme, mais la mienne reculait et risquait de s’effondrer. Arrivée à la maison, je suis montée sans un mot à l’étage et j’ai câliné le tout-petit qui dormait comme un ange. Accroupie sur le plancher de la cuisine, ma belle-sœur lavait ses draps et ceux de sa mère à la main dans un grand seau. Sur un rond allumé, un chaudron d’eau commençait à frissonner. Ensuite, Despina étendrait les draps dehors et s’occuperait du linge des petits. Comme dans une vraie famille, nous nous entraidions.

J’avais le caquet bas et j’étais complètement dépitée. J’ai voulu parler à la belle-mère, mais je me suis retenue. Où diable se trouvait le mari? Je devais attendre que Thanassis revienne au village pour lui parler. J’ai endimanché les deux plus vieux et nous sommes allés sur la rue principale, dans un café qui servait des pâtisseries, et nous y avons partagé un petit baklava. Cette délicieuse gâterie nous a redonné un peu de pep.

J’aimais ma belle-mère et sa fille, mais j’en avais par-dessus la tête d’attendre un homme qui n’était ni un mari ni un père. Je l’ai vu une seule fois avec un enfant dans ses bras. J’en conclus finalement qu’il ne nous aimait pas. Jamais cet homme ne m’a câlinée, protégée, encouragée, félicitée, aimée. Je ne l’ai jamais vu non plus témoigner de l’affection aux petits ni passer du temps à jouer avec eux. Voilà la vérité pure et dure.

J’étais candide et naïve lorsque je l’ai rencontré. Il m’a vite déflorée sans que je réalise que ce qui se passait était la façon dont on faisait les bébés… et un petit garçon est arrivé neuf mois plus tard. Pendant qu’il volait mon innocence, aucune goutte de sang n’a taché le drap. Il m’a accusée à tort, et pour le reste de notre vie conjugale, d’avoir perdu ma virginité avant notre première rencontre.

L’homme aurait voulu que je me fasse avorter, mais j’ai refusé. Ses deux frères l’avaient donc obligé à m’épouser et j’ai dit oui. Ce OUI, je l’ai rapidement regretté et il m’empoisonne goutte à goutte chaque fois que je pense à lui, même après plus de 50 ans. Mon plus grand malheur ici-bas, c’est de l’avoir rencontré.

Pendant que je me morfondais dans le fond d’un village pauvre et quasi désert de la Grèce, que faisait le mari en Allemagne? D’ailleurs, s’y trouvait-il réellement? Pourquoi son compagnon de voyage était-il rentré sans lui? Non seulement je regrettais certains de mes choix de vie, mais je maudissais tout ce qu’il m’imposait.

À SUIVRE…

Cora
❤️

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