Le BBQ du jeune Président!
Ce matin, chers lecteurs, j’ai envie de me rappeler le bon vieux temps; du temps où l’on pouvait, chaque printemps, organiser un lunch à la cabane à sucre pour toute la famille de collègues du bureau chef. J’ai encore en tête la trentaine de chemises à carreaux, de bottes de neige et de grosses tuques rouges, riant et chantonnant comme des écoliers en excursion.
C’était, à bien dire, une activité de deux heures et demie donnant l’impression d’une grande journée de fête : les chansons à tue-tête dans l’autobus jaune, les rires rebondissant dans les fenêtres d’enfants, et notre grand Paul accoutré en maître de cérémonie battant la mesure avec sa canne d’estropié. C’était tellement bon d’oublier pour quelques heures le poids de nos responsabilités; tellement magique d’imaginer le festin nous attendant sur les tables de la cabane avec, bien sûr, les pointes de tartes au sirop d’érable et les petites crêpes pour exagérer bombance.
Vous souvenez-vous d’avoir remarqué que, tranché épais, le jambon est toujours meilleur à la cabane à sucre? On se sert deux à trois fois de fèves au lard, on tartine épais nos quignons de cretons maison avec tout plein de moutarde. On dévore la soupe aux pois et on s’empresse de redemander de l’omelette de trois pouces de haut avec une nouvelle platée d’oreilles de gras tortillées dans l’huile chaude. Les cornichons passent le test, mais moi je préfère les oignons marinés dans le vinaigre. J’ai même essayé d’en faire à la maison avec une vieille recette du bas du fleuve et ça ne donnait pas du tout le même résultat.
À la cabane à sucre, le sirop d’érable coule à flots, le café est bon et la tire sur la neige, à la fin, nous rend bouche bée de contentement. Franchement, j’aime tout ce qu’il y a sur la table de la cabane. Même si on doit se rendre au fond des bois et s’attabler avec du monde qu’on n’a jamais vu. Même si les rigodons peuvent facilement nous étourdir; même si on doit attendre chacun son tour pour être servi par les membres de la famille des proprios drôlement débordés.
Je pourrais être gênée d’entendre nos quatre grandes tables rire plus fort que tout le monde, mais c’est impossible de restreindre nos transports. Le groupe est tellement heureux qu’il éternise le repas en redemandant du café et encore une petite pointe de tarte par pure gourmandise. Et le jeune Président de les inviter tous à sortir danser dans la neige pour faire descendre le lard et le sirop.
La cabane à sucre, ce n’est pas un repas au resto comme les autres. C’est une grande sortie, une aventure dépaysante et divertissante qui possède l’extraordinaire attrait de ne pas être accessible tous les jours. Il faut y aller en saison, lorsque les érables coulent et que la tire bouillonnante est versée sur de la vraie neige. C’est d’ailleurs ce qui rend la visite à la cabane si précieuse pour nos collègues.
Dans le bon temps, nous-mêmes, restaurateurs, avions l’habitude, chaque printemps, de mettre au menu quelques spécialités du temps des sucres pour aiguiser l’appétit des maniaques de sirop d’érable. Des plats délicieux, abondants et bien faits qui contentent, mais qui, nous le savons bien, ne remplaceront jamais l’atmosphère festive de la cabane à sucre, la tire sur la neige et la tablée d’inconnus avec lesquels on se familiarise allègrement.
Notre vie est chamboulée autant que nos horaires de travail et nos heures d’ouverture d’établissements. Mais nous devons nous adapter et apprendre à « AIMER CE QUI EST ».
Les cabanes à sucre seront tout probablement fermées en ce printemps 2021 et je me demande ce que les érables feront de leur eau avec cette damnée pandémie.
Devront-ils saouler les moustiques ou endormir les vers de terre avec leur divine boisson?
À force d’ouvrir autant de restos un peu partout, la tribu du bureau chef n’a fait que grossir et nous avons dû diversifier nos activités de groupe en organisant pour nos employés tantôt un tournoi de golf, tantôt une compétition de bowling, une matinée d’escalade, une chasse au trésor dans notre municipalité, un souper de gala chaque Noël et, pour accueillir l’été, un immense BBQ dans le grand parking de l’entreprise. Pour le jeune Président, c’est l’occasion de ravir ses collègues avec un assortiment de toutes les meilleures viandes, des gros pétoncles et des mégas crevettes. Ajoutons à cela quelques plateaux de légumes grillés, plusieurs gros bols de salade César, un assortiment de marinades et de moutardes artisanales et, bien entendu, plusieurs bouteilles de vin rouge et quelques-unes de blanc.
Puis, avant le dessert, c’est l’occasion pour la vice-présidente de souligner la longévité des employés avec différents cadeaux selon leur nombre d’années de service. Puis elle souligne les coups d’éclat, elle présente les nouveaux arrivants et les différentes promotions à l’interne ou les transferts de province.
Le BBQ se termine dans la joie lorsqu’arrive le chariot ambulant de différentes crèmes glacées duquel chacun, chacune choisit une saveur, une texture de petit bol et une ou plusieurs garnitures entre noix de coco, caramel salé, chocolat au lait et coulis de fraises.
Le bureau chef de l’entreprise, je dois le dire, est un environnement de rêve pour tous nos collègues.
Nous sommes une grosse « petite entreprise » ayant à cœur de conserver la chaleureuse atmosphère familiale de nos débuts.
Et je suis un tout petit peu « très fière » de constater que le BBQ du Président a toujours lieu, quand faire se peut, le jour de mon anniversaire de naissance (27 mai) qui est aussi l’anniversaire du premier petit resto Cora.
Cora