La marieuse s'appelait Natasha – Chapitre 1
J’écris ce matin pour apaiser tous ces tourbillons d’idées qui tambourinent dans ma caboche. Je cherche un nouveau mot, un verbe créateur, une glissade d’idées qui s’allonge, s’étire et risque peut-être de ne vouloir rien dire.
Mon cœur bringuebalant tremblote et palpite. L’amour, le vrai et le grand, me provoque encore avec de petites taquineries galantes. Oui, oui! Ce nouvel ami qui, dernièrement, s’est immiscé dans notre groupe de vieux est tellement beau et gentil qu’un vif sentiment me pousse à chercher à m’asseoir tout près de lui. Quelle fofolle je suis! Quelle étrange aventure que de vouloir aimer! Depuis toujours, je traîne l’immense mot « AMOUR » caché dans mon vieux cœur dont j’ai tout probablement perdu la clé.
Ma chanceuse copine Gisèle a pourtant trouvé l’amour et la beauté chez un solide vieillard. Six pieds deux pouces, les yeux bleus. Comme je les envie tous les deux. Ancien homme d’affaires, globe-trotteur et collectionneur d’œuvres d’art, l’homme nommé Jérôme a passé tout le temps des Fêtes avec ma copine plus gentille que la gentillesse elle-même.
Certes, ils m’ont invitée entre Noël et le Jour de l’An, mais j’ai prétexté cinq jours à Québec déjà réservés pour laisser les amoureux en couple au lieu de jouer la cinquième roue du carrosse. Ce petit mensonge blanc aurait-il sauvé mon honneur? En tout cas, il ne m’a pas épargné des larmes, car j’ai braillé comme une Madeleine toute seule en pyjama au pied du sapin avec quelques réconfortantes tartines de caramel dans un joli cabaret de Noël.
Comme l’amie Gisèle m’avait aussi envoyé une belle boîte de délicieux sucre à la crème, le lendemain matin je me suis renippée et empressée de les partager au café avec mon groupe d’amis et le nouvel arrivé. Ce dernier me prodigua un sourire aussi éclatant qu’un message publicitaire à la télé.
Marié avec sa tendre Carole, mon deuxième voisin, dans la soixantaine avancée, me racontait l’autre jour que des vieillards défraîchis trouvent l’amour et souvent une bague au doigt. Ces fringants audacieux s’endimanchent, se peignent, se parfument et sortent danser. Ils arrivent, ils zieutent l’endroit et tendent la main aux plus belles dames présentes sur le plancher de danse. Moi qui n’ai jamais valsé ni même jamais plus essayé de danser après que le plancher de danse ait servi de lieu damné de rencontre avec le mari, je n’ai que des mots alignés pour me consoler; ceux que j’écris et ceux que les plus grands auteurs me servent sur des plateaux d’argent.
Ces jours-ci, cependant, j’ai vraiment besoin que quelque chose ou quelqu’un m’électrise, m’excite et m’enflamme. Ce nouvel ami serait-il célibataire? Je l’espionne, je le guette; j’attrape vite un torticolis à force de me cacher pour l’observer.
Un peu avant la fin de la pandémie, je m’étais inscrite à un genre de cours de sagesse en ligne donné par une vénérable institution. Vous en ai-je déjà parlé? Tous les dimanches avant-midi, pendant trois heures, j’écoutais sur mon iPad les précieux conseils des experts, puis je devais effectuer un devoir et le soumettre. Je devais aussi déterminer un robuste objectif à atteindre. Croyez-le ou non, je n’ai pas choisi d’escalader le mont Kilimandjaro, mais quelque chose de presque aussi insurmontable!
Après quelques recommandations d’amies proches, j’ai plutôt décidé de m’inscrire à la « meilleure » agence de rencontres en ville! Il me fallut tellement de courage pour oser vaincre mes peurs! Après tout, j’étais une femme mature, active, quasi indisponible et peut-être un peu trop facilement reconnaissable.
Serais-je trop vieille pour taquiner l’amour?
À SUIVRE.
Cora
❤️