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21 octobre 2022

Je goûte à ma propre médecine

7 h 34 au café du village
Ce matin, je ne peux trouver de meilleur sujet avec lequel vous entretenir que l’exploit d’une de nos lectrices dont j’ai lu le commentaire. Bravo à vous, madame Lucienne C. qui avez réalisé votre rêve d’écrire l’histoire de votre patelin de la petite péninsule acadienne. N’est-ce pas « le plus sweet des feelings » que l’on puisse ressentir? Entretenir un projet longtemps mijoté dans sa tête, s’y être préparée avec ardeur, avoir fait de multiples recherches et appris de nouvelles choses, rencontrer de nouvelles personnes et accumuler une tonne de documentation. Je salue votre audace, votre courage et votre ténacité. Encore bravo! À lire votre nom de famille, je me suis tout de suite empressée d’appeler notre superviseur des provinces maritimes, Denis C. pour savoir s’il faisait partie de votre lignée. Mais non. Denis supervise les six restaurants Cora du Nouveau-Brunswick : Dieppe, Fredericton, Main Street et Mapleton Road à Moncton, puis Brunswick Square et McAllister Drive à Saint John. D’après Denis, notre franchisée de Dieppe viendrait de votre patelin.

Allez-y, chère dame Gervaise O.-R.; n’hésitez plus! Essayez la couleur. Surtout les couleurs chaudes de l’automne qui sont magnifiques. Savez-vous que dans nos Laurentides, chaque automne des cargaisons de voyageurs envahissent nos montagnes? Ils arrivent en autobus gigantesques avec leurs attirails de photographie des plus sophistiqués. Ils viennent souvent d’aussi loin que de la lointaine Chine et du Japon, qui n’ont pourtant rien à envier au paysage, pour contempler nos couleurs automnales, flamboyantes et enchanteresses. Ces touristes sont fascinés par la transformation du vert en jaune, en ambre, en cramoisi et en pourpre. Soyez-le vous aussi, chère dame Gervaise. Surprenez vos proches avec ce regain de vigueur que vous donnera la couleur. Je l’expérimente chaque saison et j’en suis ragaillardie.

Et merci à dame Johanne B. qui me dit BRAVO pour mon audace. Il faut oser pour sortir de sa coquille, pour apparaître au grand jour, pour se dévoiler, pour s’affirmer. Et si je n’ose pas un brin, même les vers de terre n’oseront pas me croquer le petit orteil. Je vous aime tellement chers lecteurs et lectrices qui me gardez vivante, épanouie et joyeuse.

Samedi dernier, j’ai eu le grand bonheur de goûter à ma propre médecine. Vous vous souvenez de l’histoire du bonbon, à la fin de la dernière lettre du voyage en Gaspésie? Je suis dans ma bagnole, je cherche le sac de bonbons. J’en attrape un « crème de coco à la menthe ». La menthe a bon goût, mais le coco ne goûte rien. Peinée, je croque le bonbon en deux pour en finir et, miracle, je découvre une délicieuse crème de coco.

J’avais conclu à cet instant qu’il en est bien souvent ainsi de nos rencontres. On jase un peu, de ci, de ça et la plupart du temps, on s’éloigne. On jette le bonbon avant même d’y avoir vraiment goûté. Mais lorsqu’on insiste, lorsqu’on fracasse et dépasse la première impression, on découvre fréquemment le délicieux, le merveilleux dans l’être humain qui vaut la peine d’être découvert.

Et c’est exactement ce qui m’est arrivé samedi dernier au Marché public de Val-David, un joli village situé dans nos montagnes Laurentiennes. Comme j’avais passé la semaine au bureau de l’entreprise à jouer mon rôle de fondatrice, j’avais très peu besoin de nouvelles victuailles. Mais la balade dans le Marché est, à elle seule, une délicieuse distraction. J’en fais le tour deux fois d’affilée. Au comptoir du TROUPEAU BÉNIT, je ne peux résister à quelques portions bien emballées de feuilletés aux épinards. Plus loin, je me laisse tenter par un paquet de bonbons au miel venant directement de l’apiculteur de la région. Ensuite au prochain comptoir je prends un gros sac de petites carottes tout juste sorties de la terre et, plus loin encore, j’achète une portion de carrés aux dattes sans gluten qui s’avèrent les meilleurs jamais croqués depuis bien longtemps.

Et finalement je m’assois pour un café. À la table d’à côté, un gentil couple semble savourer la vie autant que le café. Le bonbon crème de coco à la menthe me revient en tête. J’ai envie de les aborder, mais je n’ose point. Et voilà que soudain, une femme de mon âge s’approche de moi et me regarde en plein dans les yeux. « Êtes-vous Madame Cora? Ouuuiii! Je lis vos lettres, chère dame. J’adore. Surtout celles du voyage en Gaspésie. » Et voilà que la dame de la table d’à côté intervient et nous apprend qu’elle est Gaspésienne. Et nous nous enflammons à parler de ce magnifique coin de pays. L’homme intervient. « Êtes-vous vraiment madame Cora? »

Et patati et patati, nous les femmes jasons un gros dix minutes, joyeuses comme des poules picorant l’herbe fraîche. Puis, l’intruse nous quitte et le gentil couple se présente à moi. Emma, la pharmacienne venant tout juste de vendre son commerce après 26 années de loyaux services et Pierre, le retraité des affaires, maintenant bénévole pour coacher les jeunes entrepreneurs; deux nouveaux résidents de nos belles montagnes. Presque aussi rapidement qu’une boule de crème glacée au soleil, nous fondons de gentillesse les uns envers les autres. Deux nouveaux cafés plus tard, mon cœur palpite de bonheur. Ayant osé fracasser la première impression, je découvre deux magnifiques personnes. Nous échangeons nos adresses courriel, nos numéros de téléphone pour les textos et une adresse pour leur envoyer la biographie de la Madame Cora écrite par Jacqueline Cardinal de HEC de Montréal.

Pendant toutes ces années de travail à bâtir une grande chaîne de restaurants, je n’avais jamais le temps de créer de vrais liens d’amitié. J’avais, je suppose, une ambition surdimensionnée. Tout ce qui m’intéressait, c’était l’ouverture du prochain restaurant. Et ainsi s’écoulèrent de précieuses années à me priver de valeureux amis. Aujourd’hui, je me reprends. Le nouvel ami Pierre m’a d’ailleurs texté cette semaine pour m’inviter à la fête surprise de sa compagne Emma et j’ai bien l’intention d’y aller avec quelques pots de mes confitures maison.

11 h 56
Grand midi. Mon ventre crie famine. Je ferme le iPad, ramasse mes feuilles de notes et quitte le café. Je traverse la rue et entre dans la maison bleue où l’on mange les meilleurs hot dogs
« steamés » de la région. J’en commande deux avec moutarde, chou et beaucoup d’oignons. Le tout avec frites et cola pour moins de 10 dollars. À l’occasion, c’est permis, je suppose.

Cora

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