Il n’est jamais trop tard.
Nous sommes presque tous englués dans la phase la plus sévère du confinement depuis ses débuts; devant l’impossibilité de remplacer son grille-pain qui vient de lâcher; de s’acheter un bon livre, une paire de chaussettes ou même une carte de souhaits à la pharmacie.
Chez l’épicier, désinfectés et masqués, nous faisons la file pour un pied de céleri, une côtelette et un pot de yogourt. C’est accablant, mais lorsque je suis triste, j’ai souvent le réflexe de consulter mon précieux cahier de phrases célèbres. Et en l’ouvrant ce matin je suis tombée sur Mahatma Gandhi (1869-1948) et sa magnifique phrase :
« Notre pouvoir ne réside pas dans notre capacité à refaire le monde, mais dans notre habilité à nous recréer nous-même. »
En réfléchissant à cette phrase, je reprends courage. Je comprends que je ne suis pas au volant du monde, mais que je peux m’ajuster à la situation; je peux me recréer comme disait Gandhi. Au lieu de m’enfermer dans une seule triste réalité me condamnant à une aussi triste répétition d’émotions. Je peux créer de nouveaux scénarios, envisager de nouvelles conclusions. Je peux réagir en planifiant de nouveaux petits projets qui m’occuperont davantage. Penser à de nouvelles actions qui embelliront ma vie. Bref : IL N’EST JAMAIS TROP TARD pour réagir adéquatement.
Ainsi, il n’est jamais trop tard pour dire des « JE T’AIME » beaucoup plus souvent. Au lieu de me morfondre, je devrais manifester davantage mon affection. Je devrais planter des « JE T’AIME » autour de moi. Imaginez-vous vivre dans un paradis de fleurs dont vous seriez le jardinier. Manifester nos sentiments est probablement la chose la plus difficile pour nous, les têtes de pioche encore vivantes. Et soyons prudents, moi la première, car lorsqu’ils sortent de nos bouches, les mots se transforment en intentions prêtes à se matérialiser. L’affection devient une semence et l’agressivité une chicane.
Il n’est jamais trop tard pour ÉCOUTER l’autre. Jamais trop tard pour me taire et écouter mes enfants plus sages et plus attentionnés. Jamais trop tard pour écouter mes petits-enfants plus jeunes et plus débrouillards. Jamais trop tard pour considérer un ami de longue date, une belle-fille ou les conseils d’une voisine de toujours. Écouter chaleureusement, c’est accueillir l’autre à bras ouverts. Accueillir ses paroles, son vécu et peut-être un meilleur point de vue que le nôtre sur ceci ou cela. Écouter l’autre, c’est un pur geste d’amour dont on ne devrait jamais se passer, moi la première.
Il n’est jamais trop tard pour PARDONNER à quelqu’un qui nous a fait souffrir. La rancœur est un lourd fardeau à transporter. Pardonner interrompt le ressassement de nos chagrins, libère la pensée et allège le cœur. Pensez-y dans ce désert à réfléchir que nous traversons présentement. Pardonner nous aidera peut-être à tourner la page et à accueillir avec davantage de joie notre nouvelle vie. Peut-être qu’un soir avant de m’endormir, au lieu de lire des romans ou de grignoter de vieilles frustrations, je devrais écrire quelques mots au mari de jadis, trop beau pour appartenir à une seule femme. Je devrais écrire aussi à sa pauvre mère qui espérait marier son adonis à une princesse des mille et une nuits. M’adoucir tranquillement m’aiderait à reconnaître les exceptionnels talents culinaires des belles-sœurs acariâtres. À coup sûr, pardonner m’aiderait à dissoudre le ressentiment qui encore, certains jours, embrume ma vieillesse.
Il n’est jamais trop tard pour LÂCHER PRISE. Jamais trop tard pour se défaire de la lourdeur de nos peines. Nous vieillissons tous. Comment ferons-nous, moi la première, pour nous envoler vers le paradis avec autant de bagages? Avec autant de frustrations accumulées, autant de regrets, autant de désirs inassouvis et autant de rêves brisés? Nous avons peu à faire ces jours-ci, pourquoi ne pas en profiter pour se débarrasser des malheurs inutiles qui nous encombrent? Voici un truc qui fonctionne pour moi : assoyez-vous tranquille dans un coin et faites une liste de tous vos chagrins. Sortez dehors; oui oui pieds nus dans la neige s’il le faut, et brûlez votre liste. J’ai fait l’exercice plus d’une fois. En hiver surtout. Vous verrez vite des cendres noires abimer la neige immaculée. C’est ce que fait le chagrin à notre pauvre cœur.
Il n’est jamais trop tard pour CULTIVER QUELQUE CHOSE. Plantez une graine, la tige d’un poireau dans un verre d’eau, une bouture de lierre dans une tasse. Bichonnez vos fines herbes. Je vous l’assure, il n’y a rien de plus thérapeutique que de prendre soin de ces nouvelles vies sur le comptoir de ma cuisine. Si ça vous tente, faites comme moi et plantez un arbre dans votre tête. Un lilas peut-être, parce que, en saison, il parfumera votre entourage. Pensez-y vraiment. Ça vous fera un nouveau projet et quelqu’un à qui parler pendant tout l’hiver jusqu’à ce que vous puissiez le transplanter en terre ferme.
— Où préfères-tu grandir mon chéri? Sur la pelouse avant ou derrière la maison, collé à ta sœur rose poudrée?
Il n’est jamais trop tard pour ÉCRIRE UNE LETTRE D’AMOUR à quelqu’un. À votre amoureux, à un parent, à un conjoint ou à l’inconnu que vous aimeriez aimer. Moi la première, je meurs d’envie d’avoir un bon bougre à qui écrire des mots doux tous les jours. Lorsqu’on laisse parler son cœur, c’est aussi doux que de dormir sur une fourrure. Surtout que ces jours-ci, nous avons drôlement besoin de chaleur. Nous avons besoin de dire tout haut des mots d’amour. Même s’il faut juste faire semblant. La sagesse de l’Univers possède une mémoire incroyable. Elle est capable de faire venir vers nous autant de mots d’amour que nous en avons prononcés. Peut-être devrais-je être plus vaillante et me pratiquer plus souvent?
Et si écrire des mots d’amour c’était aussi comme semer les bonnes graines pour attirer un être cher bien en chair?
Il n’est jamais trop tard pour DEVENIR CE QUE NOUS AURIONS PU ÊTRE.
Jamais trop tard pour changer de carrière, pour prendre un nouveau départ. La vie est si courte, ne devrions-nous pas l’utiliser pour faire ce qu’on aime? Encore et encore, la planète combat l’ennemi et nous oblige à ralentir. Profitons-en pour réfléchir aux valeurs qui nous importent, aux paysages qui nous apaisent ainsi qu’aux décisions significatives affectant notre carrière. Il serait peut-être révélateur de revisiter nos premières passions, de réfléchir à ce que nous aurions pu être et à ce que nous rêvions de devenir.
Quant à moi, j’en suis certaine, il n’est jamais trop tard pour écrire, jamais
trop tard pour devenir une meilleure raconteuse. Jamais trop tard pour que de nouvelles idées frappent à ma porte. Jamais trop tard pour publier un nouveau livre.
Il n’est jamais trop tard pour remettre notre passé en question. Jamais trop tard pour reconnaître nos véritables talents et surtout, surtout, JAMAIS TROP TARD POUR HONORER NOS DÉSIRS.
Et c’est la grâce que je vous souhaite tellement, tellement fort.
❤️
Cora
Psst : « Là où vos talents et les besoins du monde se rencontrent, là se trouve votre vocation. » Aristote, philosophe grec, disciple de Platon et précepteur d’Alexandre le Grand.