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1 septembre 2023

Des micromoments de bonheur

L’éclat du soleil, la douceur du temps, le chant des oiseaux et le parfum des framboises; la nature m’émerveille. Je recule dans le temps et me voici près du petit ruisseau sur la terre du grand-père Frédéric. J’y vois ses doigts craquelés qui m’apprennent à mettre le ver de terre sur l’hameçon; la chair rose de la petite truite dans la poêle; les capelans du printemps roulant par milliers sur les plages; la grosse morue, attrapée par le ventre et tellement délicieuse. Je m’en souviens comme si c’était hier : bouillie avec lardons, croustillante dans la poêle, en croquettes de patates ou salée-séchée à déchiqueter avec les doigts. Nous vivions de poisson. Encore aujourd’hui, quatre ou cinq de mes soupers hebdomadaires proviennent de la mer.

En hiver, je suivais grand-père. J’avançais dans la neige, mes petites bottes essayant de s’enfoncer dans les empreintes des siennes. Mes yeux ratissant le passage emprunté pour découvrir avant lui un lièvre blanc. Je riais et je pleurais devant le petit animal pris au piège. Et grand-père de le mettre rapidement dans sa besace. Je savais qu’il allait le cuisiner avec la fameuse recette de feu grand-mère. À la table, je lui disais que c’était bon avec quelques larmes tombant dans la sauce.

Quel bonheur ce fut d’avoir enfin six ans! J’aimais l’école. J’apprenais à écrire des mots et mon cœur s’enflammait. Je composais de courts poèmes et j’apprenais vite à m’exprimer par écrit. Une habitude qui persiste encore. Oui, oui! Mot à mot, j’escalade l’échelle du temps, toujours à la recherche d’étincelles de bonheur.

Une après-midi à chasser les trèfles à quatre feuilles, une autre à bichonner mes fiers lupins et voilà que j’embellis à la fois mes plates-bandes et l’intérieur de mon cœur. L’arôme des petits fruits me chavire. Dans le sous-bois attenant à mon lot, je cueille des fraises sauvages. Comme maman me l’a appris, j’équeute chacune avant de les mettre dans un sceau.

J’ai toujours en tête ma Gaspésie natale tel un film inoubliable; un répertoire chronologique du meilleur à me rappeler. Tout est là, à tout moment, dans ma mémoire, comme le roulis des vagues sur le fleuve.

Je me souviens à Sainte-Flavie, combien braves nous étions, grimpant sur les immenses blocs de glace s’entrechoquant dans le fleuve. Maman nous l’interdisait et, pourtant, frérot insistait. Il voulait planter son drapeau, mais la glace trop coriace l’en empêchait.

Réfléchissons un peu. Cherchons ensemble des raccourcis vers ces micromoments de bonheur; attrapons ces étincelles qui volettent au-dessus de nos caboches. La joie, j’en suis certaine, est une nourriture céleste qui allonge nos vies.

J’ai toujours vingt ans lorsque je converse avec un arbre centenaire, lorsque tout doucement je déguste chaque ligne d’un beau poème, lorsqu’un vieil ami me raconte sa dernière conquête ou lorsque ma petite-fille m’invite au resto asiatique pour souper.

Apprivoisons la magie de la vie; tous ces moments qui nous semblent irréels et qui sont pourtant aussi vrais que ces bonnes nouvelles qui vous arrivent de nulle part.

J’ai l’impression bien souvent que plus je vieillis et apprécie, plus je m’émerveille facilement. Toute microsensation de bien-être me réjouit : respirer l’air frais du matin, dormir en plein jour sur le divan, me savonner la tête à l’eau de pluie, me gratter le dos avec cinq petits doigts métalliques, boire mon café très chaud, réussir à manger plus de fruits que de pain, me photographier pour mes selfies du dimanche; écrire même en dormant.

Oui, oui! Il m’arrive qu’une idée géniale me réveille en pleine noirceur et j’empoigne mon carnet de notes. J’aime être à la disposition de l’écriture; être son chercheur, son orpailleur, son conteur et celle qui tape à la machine l’histoire des mots.

J’ai longtemps pensé que JE M’OCCUPERAIS DE MOI PLUS TARD. Et savez-vous quoi? ÇA FAIT LONGTEMPS QUE MON PLUS TARD EST ARRIVÉ!

À bien y penser, décider de prendre soin de soi plus tard est vraiment présomptueux. Comment savoir ce que l’on pourra contrôler dans un jour, dans une semaine ou dans une année? Ce pouvoir que l’on s’accorde est une illusion. Par contre, le pouvoir de vivre l’instant présent est bien réel, ainsi que celui de se faire plaisir.

Ne remettons plus à demain ces micromoments de bonheur, ces étincelles de joies qui nous entourent et que nous pouvons saisir.

Pensez-y un brin, la vie est si courte et l’émerveillement rarissime.

Cora

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