L’autre soir, ce corps vieilli rêvait à la mort. Il s’enroulait dans les draps, tournait sur lui-même et sa tête avait peur, très peur; elle imaginait le pire.
Tel un animal blessé, ce corps respirait à petites goulées. Tout meurt à la longue, essayait-il de se dire. Trop tôt, trop tard, il n’arrivait pas à prier. Était-ce la nuit qui lui semblait si longue? Était-ce la mort qui frappait si fort? Le cahoteux va-et-vient de son cœur l’apeurait.
Ce corps magané allait vivre jusqu’à cent ans, disait-il jadis à qui voulait l’entendre. Et voilà qu’entre les draps, ce soir-là, la mort rôdait. Tel un condor à cou blanc, un vautour imaginaire surveillait sa proie.
Si je savais écrire comme nagent les dauphins, j’aurais ce matin une véritable histoire à vous présenter. Et pourtant l’heure arrive qu’il faille affranchir mes doigts, sauter la clôture de la logique, délier les entourloupettes du quotidien et plonger tête première dans un océan de strophes nouvelles.
Il y a ce corps vieilli, cette chair ternie
Ces jambes croulantes, ces bras qui me hantent
Ce cou fendillé, ces veines bombées
Ce front flétri, cette peau décatie
Ces yeux fatigués, ces iris délavés
Ces joues aplaties, ces sourires tiédis
Ce ventre malmené, stigmates érodés
Ces mamelles fripées, ces tétines fanées
Ces mains chamarrées, ces veinures bleutées
Ces doigts recourbés, l’un sur l’autre grimpés
Ces orteils cabossés, grands pieds fatigués
Cette taille ventrue, apparence foutue
Ce dos maladroit transporte sa croix
L’âge avance comme un loup et me dévore
Je cours, je cours et je crie « au secours »
Quoiqu’il arrive, je suis à la dérive
Dans la tanière du temps, je n’entends que le vent
Solitude inévitable, toute seule à la table
Do, ré, mi, fa, sol, la, si; je m’engourdis
Je sens la mort mûrir en moi, tel un fruit qui s’agrippe, un soleil qui persiste
Mes sens se taisent, mon cœur s’apaise
Un parfum de framboises s’attarde dans mon cou
Je peine et je pleure, elle arrive mon heure
M’endormir comme Ophélie, eau de rose plein mon lit
Dernières volontés, premières pelletées
Je ne verrai plus le printemps ni l’automne rosi, ni l’hiver endormi
Lentement ma mémoire s’abêtit
J’oublie mon nom, mon âge et la couleur de ce qu’était ma vie
Je suis forte, je suis morte
Il y a ce petit bruit de fourmi qui s’arrête à la fin
Mon premier-né a les doigts maculés de couleurs vives. Il peine, il peint à cœur de jour, cherchant une teinte capable d’endormir ses tourments. Quelques fois, il m’envoie la photo d’une toile plus noire que l’obscurité abyssale et il me demande si j’y vois un dragon. Un quelconque pèlerin perdu dans le bois? Un bateau à la dérive? Ce premier fils est un artiste, il voit des choses avant qu’elles n’existent.
Ce grand garçon de plus de cinquante-sept ans peut passer une semaine entière à coiffer la houle d’une mer agitée, caressant chaque vague qui déferle ou qui se brise sur le rivage. Jouant avec dix teintes de bleu, sa patience est comparable à celle d’un moine bouddhiste. Et moi, d’un jour à l’autre, j’assiste à l’élaboration d’une ébauche qui dure quelques fois jusqu’à plusieurs mois.
Nous avons cela en commun : l’ébauche, tel un premier jet, une forme encore imparfaite que l’on donne à l’ouvrage. Mes brouillons de textes et ses dessins sont très semblables. Ils s’aventurent tous vers un commencement. Un titre éphémère au départ, puis une première couche de couleur, ou une suite de phrases filées, emprisonnées sous une montagne de doutes et d’hésitations.
Les agencements de mots s’avèrent moins salissants que la peinture, mais leur signification met plus de temps à aboutir. Comme des enfants indisciplinés dans une cour d’école, sujets, verbes et adverbes doivent attendre que la cloche sonne pour avancer en ligne droite. Bien souvent, la récréation dure plusieurs jours dans ma tête. Les phrases titubent et louvoient sur une patinoire glissante. J’attends. J’en souffre et je doute de mon talent. J’implore dame créativité de venir à mon secours.
Toi et moi, fils chéri, nous avons commencé nos carrières artistiques sur le tard. Avec nos têtes blanches aussi fougueuses qu’une tempête de neige, nous n’avons ni besoin de savoir qui nous sommes avant de nous lancer ni besoin d’anticiper un quelconque aboutissement. Nous aimons créer, mélanger le rouge et le bleu pour en faire du mauve. Nous exploitons tout ce qui nous inspire; les belles maximes, les livres, les chefs-d’œuvre des maîtres, les citations inspirantes, les conversations entre amis, nos rêves et tout ce qui parle à nos âmes la nuit.
Moquons-nous un peu de Picasso et faisons semblant d’être à sa hauteur! Profitons de ce qui nous nourrit, de tout ce qui nous donne à penser que nous progressons. Faisons confiance à dame inspiration; cette veine nourricière qui alimente la toile et le texte.
L’artiste, fils chéri, se découvre en travaillant, en priant, en enfonçant les touches d’un clavier ou en caressant mille et une fois le même paysage. Il expérimente, il pratique et patauge dans les esquisses des maîtres, imitant ici et là, jusqu’à ce qu’il découvre sa propre singularité, son art. C’est souvent lorsqu’on échoue à copier parfaitement ses idoles qu’on découvre sa propre voie.
Construisons chacun notre propre univers avec quelques vaillants pigeons voyageurs accoudés à chacune de nos fenêtres. Échangeons textes, textos, photos, idées saugrenues, couleurs inusitées et inspirations divines. Et prenons l’air. Respirons à pleines goulées. Le cerveau s’endort s’il reste toujours dans son lieu habituel. La distance et la différence de paysage stimulent l’imagination. Il paraît même que le mauvais temps stimule l’artiste.
Cher fils, sois spartiate, car tout avoir est nuisible à la créativité. Aie confiance en ton ouvrage, au moment magique et indescriptible où un certain coup de pinceau illuminera ton tableau. Savoure cette fraction de seconde où tu expérimenteras la félicité, la surprise et l’émerveillement; cet instant où toutes les forces de l’univers ne feront qu’une et où tu verras ce que personne d’autre ne verra.
Sache que cet instant d’euphorie est comme une drogue. Lorsqu’on y a goûté, on tente à tout jamais de retrouver cette seconde de pure allégresse. Tu dois d’ailleurs savoir que la créativité nécessite 95 % de travail ardu et 5 % d’inspiration magique. La créativité représente un ensemble de compétences que l’on peut arriver à maîtriser en y mettant du temps.
Je tape sur le clavier pendant d’inlassables heures, essayant de construire une phrase époustouflante. J’espère et je prie; quémandant les muses et la grâce du métier. Très cher fils, j’aspire, moi aussi, à ce rare moment de génie où l’imprévisibilité ouvrira la porte à la possibilité.
N’est-ce pas ce que nous sommes en train de vivre, tous les deux? Tu peins le tableau que tu voudrais accrocher dans ton salon. J’ai publié le livre que j’avais envie de lire. Il n’est jamais trop tard, disent les sages. Et moi, ta maman, je chercherai l’aigle noir caché sous tes couleurs vives jusqu’à mon dernier souffle.
Cora
♥️
Je vous l’ai déjà raconté, toute ma vie de jeune fille, je rêvais de devenir écrivaine et la gueuse de vie m’en a longtemps privé. Aujourd’hui, vieillotte aguerrie, l’écriture est l’activité qui me réjouit le plus. J’écris pour partager mon expérience, mes secrets et ma longue vie. J’écris pour semer un peu d’amour et pour en récolter un peu, beaucoup. J’écris surtout parce que je ne peux pas faire autrement.
Je tape sans relâche sur mon iPad pour apprendre à m’aimer et pour découvrir qui je suis. J’écris pour me surprendre avec toutes ces petites révélations qui surgissent; ces secrets enfouis au tréfonds de ma personne. J’écris pour prendre le temps d’amadouer l’incompréhensible de cette vie et pour insuffler un peu d’espoir dans mon cœur cabossé. J’écris pour déterrer le pire et l’occire. J’écris pour garder une trace de ma vie; pour ne pas oublier tous ces petits riens du quotidien et me convaincre que mon vécu jusqu’à présent n’aura pas été inutile. Je le fais pour tenter de savoir ce qui risque de m’arriver. J’écris surtout pour éviter les ensommeillements de mon conscient. Les mots me servent de petits remontants qui, je l’espère, me fourniront de l’encre pour encore plusieurs des années.
Je couche mes mots sur le papier pour mon plaisir et pour faire plaisir aux gens qui me lisent. Toujours, l’écriture me permet de m’exprimer et d’exposer mes idéaux. Je me prends parfois pour un gourou de la plume; créant des mondes, des situations et des mises en scène abracadabrantes, donnant aussi naissance à des personnages, mais les histoires qui naissent au bout de mes doigts se révèlent habituellement véridiques. J’écris, la plupart du temps, pour sortir de moi l’indicible vérité trop bien cachée.
Je noircis des feuilles pour rêver et muscler mon imagination. Je ne sais ni danser, ni chanter, pas plus que je ne sais flirter ou aimer. Je me console en pensant que mon dernier pouvoir magique réside dans un bel assemblage de mots. Mon écriture pourrait-elle ajouter à ce monde quelque chose jusqu’à maintenant inexistant?
Une couronne de fleurs, un trèfle à quatre feuilles, une corneille savante, mon cœur agenouillé. Mes phrases dénuées de sens, mais remplies de poésie.
Ma tête est un cirque et, pourtant, les histoires que je raconte m’aident à survivre. Écrivant dans un café ou assise à ma grande table de cuisine, je tape, je m’amuse, je bricole une histoire. J’écris pour crier que mon cœur contient encore beaucoup d’amour à donner. J’écris pour apprivoiser ma solitude, pour vivre moins triste et pour abêtir mes angoisses inutiles. Je fuis le désert de la page blanche pour me distraire avec l’indiscipline des mots. J’écris pour imaginer le paradis et sa grande porte dorée. J’écris aussi pour réfléchir tout haut aux mystères de l’univers et pour essayer d’amadouer l’incompréhensible.
Avec chaque aube naissante, je me réjouis. J’allume la lampe et j’écris dans mon lit une petite heure. Combattant le vertige d’être encore vivante, j’imagine mon cœur ronronnant d’amour. J’écris pour chasser mes peines incrustées, pour me guérir des griffures du temps et pour sauver mon histoire de l’effacement.
Je prends la plume pour titiller l’inspiration, pour contrer l’abrutissement du quotidien et aussi pour éviter l’engourdissement de mes dix doigts. Il m’arrive d’enfouir ma peine au plus profond de la page.
J’écris pour rendre hommage à dame inspiration, stimuler mon hémisphère créatif, et parce que l’action de l’écriture me procure un immense bonheur.
J’écris pour exprimer mes émotions et surtout mes obsessions.
J’écris pour rattraper ma vie galopant trop vite.
J’écris pour mettre à profit mon originalité d’être humain.
J’écris pour me rendre disponible à l’émerveillement.
J’écris pour apprendre à vivre sans travailler.
J’écris pour devenir quelqu’un de bien.
J’écris pour ne pas pleurer.
J’écris pour apprivoiser la mort.
Très chers lecteurs, n’auriez-vous point, vous aussi, quelques bonnes raisons d’amadouer l’écriture?
Cora
❤️
Le corps dans lequel j’habite commence à m’effrayer. Aurait-il atteint la limite du nombre de fois que ses cellules peuvent se régénérer? Fonctionnent-elles au ralenti maintenant qu’elles ont bientôt 78 ans bien sonnés? C’est certes le cas pour ma mémoire et mes jambes, ces magnifiques jambes qui ont jadis pratiqué le saut à la perche. Athlétiques, elles m’avaient même propulsée jusqu’à gagner une compétition intercollégiale à Montréal. Je les vois encore sautant dans les airs, longues, minces et agiles.
Lorsque je vois de jolis visages qui vieillissent derrière l’écran de ma télé, je paralyse. Mon regard rivé sur le plasma, je touche mes joues un peu dégonflées, mes lèvres qui se froissent et mes yeux reculant dans leurs orbites.
Selon moi, un des mots les plus élégants du vocabulaire à propos des gens matures est certainement « mûrissement ». Arrêtez-vous un instant pour y réfléchir. Ce magnifique mot signifie s’acheminer lentement vers la maturité plutôt que vers la déconfiture.
Avec ma manie de manger des pommes à tout bout de champ, j’en achète tellement qu’il arrive que quelques-unes ratatinent avant que je n’aie la chance de les croquer. Presque imperceptiblement, la masse corporelle du fruit défendu se déshydrate, s’affaisse, s’amoindrit, et sa peau ramollit. Même si sa chair se révèle encore bonne à la consommation, son enveloppe se détériore.
Mon visage est tout probablement à l’image de cette pomme rabougrie, mais avec de belles barniques colorées accrochées au nez! C’est d’ailleurs grâce à ma vue contrôlée annuellement par l’opticien du canton que je continue à bien voir mes mots qui s’écrivent et s’envolent aux quatre vents.
À ce que j’ai lu sur le sujet, la perte de volume et d’efficacité des trois couches cutanées entraîne un certain nombre de changements : perte d’élasticité, perte de lipides essentiels, diminution du nombre de terminaisons nerveuses cutanées et perte de sensibilité. Seigneur, aidez-moi! Mais le pire, et personne ne s’en doute, c’est la réduction du nombre de glandes sudoripares et de vaisseaux sanguins qui provoque une baisse de la capacité de la peau à se protéger de la chaleur. Donc, en plus de moins bien tolérer les rayons du soleil, nous faiblissons plus facilement sous la chaleur, même si nous n’avons plus chaud comme dans notre plus jeune temps! Je ne m’étendrai plus jamais dehors!
Pourtant, je me rappelle parfaitement les années où j’avais toujours chaud : l’époque de mes bouffées de chaleur de cuisinière ménopausée. Dans ma première toute petite cuisine, je cassais des œufs, je tournais des crêpes et j’endurais. J’étouffais de mon mieux mes sensations et, lorsqu’une intense chaleur me détrempait le chignon, j’appelais ma fille en renfort pour qu’elle prenne ma place une petite trentaine de minutes devant la plaque chauffante. Si je lançais la phrase codée, « les tortellinis bouillent », elle comprenait subito presto.
Cette jolie expression, chères lectrices, je vous la prête avec grand plaisir si le besoin s’en fait sentir.
Dieu merci, je ne vois pas mes fesses pendouiller. Pourtant, c’est à cause de ces fesses mollettes que mes jambes tirent de la patte. Pendant la pandémie, j’en ai marché un coup, mais, depuis que la routine avec mes amis au café s’est établie, mon arrière-train est toujours assis. À force de taper sur un clavier et d’empiler des brouillons d’écriture, tout mon bas du corps s’ankylose et mes pauvres belles jambes de jadis me réveillent la nuit. Je dois alors sortir du lit et marcher une bonne quinzaine de minutes de bord en bord dans la maison jusqu’à ce que la douleur se rendorme.
Vous le savez bien, je raffole des couleurs. J’aimais garnir mes assiettes à déjeuner de beaux fruits colorés. J’aime m’habiller de coloris éclatants et variés. Pourquoi croyez-vous que je colore la vêture de ce corps qui s’apprête à perdre la bataille contre l’âge? En ouvrant vos écrans pour me lire, ne voyez-vous pas les couleurs vivifiantes, les jolies épinglettes qui sont pour moi comme des distinctions honorifiques récompensant la vaillance et le courage de vivre? Avant de plier bagage, remercions nos charpentes bringuebalantes de nous avoir menés si loin et félicitons-nous d’avoir vécu.
Pour plusieurs, puisqu’ils s’en inquiètent, la lente décrépitude du vieillissement empire. Comme si un démon aux cornes roses mettait tous les maux de la terre sur le compte de l’âge. Une moustache pousse aux carottes oubliées et des tubercules se pavanent sur la caboche des patates trop fripées. Selon moi, l’âge n’a pas d’âge, mais le vieillissement, même s’il me déplaît, est incontournable. Certes, certains changements physiologiques apparaissent. Advienne que pourra!
Ce matin, j’ai voulu me moquer un peu de la mortelle charpente qui nous semble si précieuse. Il faut la traiter avec soin pour l’aider à traverser autant de bonnes années que possible, mais, pour le reste, il ne s’agit que d’un bouddha d’apparat décorant nos vies et nos petits palaces.
Notre vraie nature est invisible à l’œil nu. Comme une sève miraculeuse qui nous abreuve, nous construit et nous différencie. Cette véritable nature brille comme une lumière en nous, une flamme dont nous avons le devoir d’entretenir le feu.
Je prends de l’âge; je m’amenuise, je m’affaiblis; je meurs à petits bonds d’une terrible lenteur. Chaque orteil et chaque doigt grimpent l’un sur l’autre comme s’ils tentaient de fuir leur destin.
Ma mémoire est une cuvette trouée qui a même réussi à oublier ce qui me faisait ruer dans les brancards dans le temps. Mon vieux cœur presque aussi vide qu’une église espère toujours arriver à combler quelques désirs.
Vieillottes, lasses et malhabiles servantes, mes mains préfèrent encore ÉCRIRE. Elles insistent pour continuer à me raconter.
Plus que tout l’or, la myrrhe et l’encens, ces précieuses mains ne veulent pas redevenir poussière.
Cora
♥️
Aurais-je pu trouver ici-bas un homme valeureux, serviable et gentil, comme mon grand-père Frédéric? Je l’aimais tellement! Je l’aidais à faire les foins, à déterrer les patates, à ramasser les blés d’Inde et les noisettes à la fin de l’été. Souvent, lorsque ma mère avait une poussée d’eczéma, grand-père nous amenait à l’école. Lui encore qui nous gardait lorsque les époux se chamaillaient. Aurais-je pu m’amouracher d’un homme qui cumule toutes les vertus de mon grand-père? À cent mille à l’heure!
Aujourd’hui, les hommes qui pourraient m’accompagner et que je côtoie quotidiennement sont aussi vieux que moi. Ils ne s’imaginent plus avoir trente ans, ni même cinquante. Au café chaque matin, je les zieute, les examine et les compare. J’aime me faire croire que ce lien d’amitié que nous avons tricoté ensemble est tellement plus fort que la sensation d’être amoureuse. Tout probablement, mes fidèles amis liront mes écarts de conduite et les jugeront, j’espère, avec indulgence. Même une femme aussi audacieuse que moi déraille à l’occasion et s’écarte du bon sens. L’ivresse amoureuse est tentante à tout âge, très chers lecteurs et lectrices!
Lorsque dame Natasha, celle à qui j’ai confié le mandat de me trouver un amoureux grâce à son agence de rencontres, m’informe qu’il me reste un dernier chocolat dans l’assiette, j’ai envie de tout foutre en l’air. Ce marchandage amoureux m’agace, m’irrite, m’horripile et m’exaspère.
Dring, dring!
— « Bonjour, monsieur Renato. Comment allez-vous? Dame Natasha insiste pour que vous et moi piquions une petite jasette avant de nous rencontrer en personne. »
— « Va bene », murmure l’homme à l’accent italien.
— « Travaillez-vous encore? Pardonnez-moi mon impolitesse, mais quel âge avez-vous? »
— « Dimanche, bambini fêter 75 ans », me répond-il dans son charmant français approximatif.
— « Pourrais-je savoir où vous demeurez? »
— « Condo mais veux trouver bonne femme pour villa en Italie et maison en Floride. »
Il poursuit, mais l’homme de peu de mots ne m’impressionne absolument pas. Je n’ai même pas envie de le rencontrer. Mais Natasha la marieuse insiste pour faire son job jusqu’à la fin. Elle nous planifie un rendez-vous vers midi dans une pizzéria huppée du Marché Central; d’ailleurs assez près du condo du vieil Italien. Alors je dis OUI! Pas parce que je veux contempler sa binette ni son logis, mais parce que j’aime surtout la pizzéria Giulietta.
Et donc, comme convenu, trois jours plus tard, j’arrive à midi pile à la pizzéria. Je retire mon manteau et commande un grand latté pour me réchauffer. Lorsque l’Italien arrive, je constate qu’il est haut comme trois pommes et, selon mes goûts, plutôt laideron. J’ai juste envie de lever les feutres, mais je reste tranquille.
Le petit homme enlève son paletot fait sur mesure, j’en suis certaine, et un gentil serveur l’installe à ma table. Il commande un Amaretto Sour qui arrive aussi avec un petit plateau de noix mélangées offert par la maison. L’homme serait-il un client habitué de l’endroit? Mon cavalier tout souriant m’informe du nom de l’interprète de la chanson que nous entendons et il tape du pied en croquant ses noix.
— « Pas très faim », m’annonce-t-il, mais aime beaucoup chansons de mon pays ».
Quant à moi, j’ai quand même envie de déguerpir à chaque bouchée de l’excellente pizza de chez Giulietta. Mais je reste, polie. Je redemande un latté bien chaud. Quelque trente minutes plus tard, j’invoque un ultime prétexte pour disparaître.
Dehors, le jour lentement blêmit. Là-haut pourtant, dans un ciel bleu-mauve, deux petits nuages s’entre-regardent. Seraient-ils amoureux l’un de l’autre? Toutes ces poignées de « je t’aime » que j’emmagasine depuis toujours, que vais-je en faire? Du sucre à la crème, des pots de confitures, des Lettres du dimanche? Quant à mon cœur amoureux éparpillé en mille miettes, je devrai sans doute le lancer aux quatre vents pour que les anges l’attrapent.
Cora
💖
Très chers lecteurs et lectrices, en continuant à me lire, vous m’apprenez à écrire. Pour moi, cette blancheur de la page est comme un ciel rempli de miracles. Toute ma jeune vie, j’avais tant souhaité noircir des lignes et, aujourd’hui, ma tendre vieillesse m’encourage à le faire. Un sourire, un p’tit bec à la sauvette, un œil compatissant; j’écris, ces temps-ci, pour apprendre en quoi consiste le véritable amour.
Aurai-je moi-même assez de temps pour trouver une réelle âme sœur? Combien d’hommes ou de femmes ont l’occasion de vivre un grand amour? Une fois ou deux, peut-être trois durant leur vie, s’ils sont chanceux?
Même si ses deux premiers candidats n’ont pas fait l’affaire, dame Natasha, l’experte de l’agence de rencontres que j’ai mandatée pour m’aider à trouver le bon homme pour moi, m’informe qu’elle n’arrête pas de chercher. Sait-elle à quel point le temps file vite? Mes dernières belles années passent et s’effritent.
AU SECOURS! RESTERAI-JE VIEILLE FILLE JUSQU’À CENT ANS?
— « Très chère Claudia, me lance-t-elle, n’oubliez pas votre nom d’emprunt! ». Un troisième candidat a très hâte de me rencontrer.
Après la conversation téléphonique d’une trentaine de minutes nous servant de préambule, je m’imagine au septième ciel. Je n’ai mal nulle part, mais ce soupirant dirige, sur la Rive-Sud du Grand Montréal, une usine de petits appareillages vendus dans toutes les pharmacies canadiennes : bas de contention, ceintures lombaires, bandages, grenouillères, chevillères, semelles orthopédiques ou amovibles, bandages élastiques et corsets de tout acabit. Devrais-je me casser la patte pour le rencontrer plus rapidement?
— « Dame Natasha, quand pourrais-je faire sa connaissance? »
— « Soyez patiente! Votre prétendant se trouve présentement en voyage d’affaires à Chicago. »
Je comprends. Cet homme mène probablement la même vie que moi du temps où j’ouvrais des restos un peu partout au Canada. Même si j’avais rencontré mon bel Omar Sharif en personne, je n’aurais pas eu le temps de lui piquer une jasette!
Impatiente et un tantinet contrariée, j’ai l’impression de n’écrire que des commencements d’histoires qui avortent aussi vite que des bulles de savon dans ma caboche. Grand midi, je casse trois petits œufs dans une poêle brûlante. Avec un quignon de pain, un triangle de fromage et deux tranches de jambon Première Moisson, je m’installe pour manger devant mon iPad. Ai-je vraiment faim? Je repense à cet homme d’affaires. Aimera-t-il mes confitures maison? Mon style coloré, mes mots sortant de l’ordinaire?
Quelques jours plus tard, dame Natasha m’apprend que le voyageur est de retour à Montréal et qu’il désire déjeuner avec moi ce samedi qui vient. Il pourrait réserver chez Leméac.
— « Qu’en pensez-vous, chère Claudia? », me questionne-t-elle.
— « C’est parfait! Je connais l’endroit et j’y serai à 10 h. »
Très tôt le samedi matin, le tralala des essayages de ma grande garde-robe me donne le tournis. J’essaie une robe rouge un peu trop voyante, une rose trop pâle pour l’automne, une bleue un peu trop courte et, finalement, j’opte pour un pantalon gris pâle et un chandail assorti.
L’homme arrive, tiré à quatre épingles et sérieux comme un pape. Il a réservé une table pour quatre en plein centre du restaurant.
— « Enchantée de faire votre connaissance, cher monsieur. Attendez-vous quelqu’un d’autre? »
— « J’aime être à mon aise dans ces foutus restos trop achalandés et trop tassés. Je préfère les grandes tables avec plus d’espace. »
— « Auriez-vous préféré aller au Ritz? »
— « C’est du pareil au même. Trop ordinaire et trop cher! Sauf qu’ici, c’est l’excellent saumon fumé maison qui attire la clientèle. »
— « Je suis d’accord! C’est aussi mon plat préféré. »
Nous devrions bien nous entendre! Mais je déchante rapidement lorsqu’il a presque rudoyé un apprenti serveur qui lui a proposé du rouge au lieu du blanc pour accompagner le poisson. Vitement rassasié, l’homme ne m’a pas même offert un dessert. Ni lui ni moi n’avons terminé notre vin et j’ai conclu que j’avais encore perdu mon temps. En sortant du restaurant, l’homme m’invite à marcher quelques pas pour digérer. Étonnée de sa demande, j’y consens tout de même. À peine quinze minutes de marche apaisent le bougon. Il me lance quelques compliments à la sauvette et m’invite chez lui, dans sa grosse propriété sur le bord du fleuve à la hauteur de Verchères. Misère! Je suis découragée!
— « Les employés, avance-t-il, sont en congé le week-end et Madame pourra même rester pour la nuit si elle le désire.
— « Non, non! Non, merci! ». Je suis stupéfaite.
Encore quelques pas et l’homme s’arrête. Un chauffeur à casquette blanche ouvre la porte arrière d’une bagnole de luxe que je ne connais pas.
— « Chérie, allons faire un p’tit tour avec ma nouvelle Bentley », me dit-il en m’encourageant à prendre place sur le siège arrière de sa grosse bagnole. Mais je refuse net. « Non, non! » Je reste un moment sur le trottoir en cherchant ma Mini des yeux. Lorsque je la vois, un coin de rue plus loin que la grosse Bentley, je décampe. Je cours presque. Je déverrouille ma Mini, j’ouvre la porte, je m’engouffre dans l’auto et m’y embarre sur le champ.
À SUIVRE POUR LA CONCLUSION.
Cora
❤️
Dans ma tête, tout le bla bla de la marieuse s’est vitement effondré. Allait-on me reconnaître à chaque coin de rue? Je n’y avais jamais pensé. L’ancien professeur de philosophie avait certainement les moyens de m’amener au Ritz, et c’est tant mieux. Mais une femme comme moi, ça ne passe pas inaperçu et la marieuse aurait dû m’avertir d’être plus discrète, du moins, au début.
— « Oui, chère Natasha. J’aurais dû éviter le Ritz et mes anciennes adresses de femmes d’affaires où je risquais d’être reconnue ».
Les personnalités publiques éprouvent parfois plus de difficulté à rencontrer des personnes qui sont réellement intéressées à elles, pour qui elles sont, au lieu de s’intéresser à leur vie sociale ou à leur compte en banque. Si le rouquin ne m’avait pas reconnue avec mon prénom fictif, le maître d’hôtel lui avait offert ma véritable identité sur un plateau d’argent.
Le premier prétendant attablé devant moi s’est comporté comme s’il ignorait qui j’étais. Lui-même un habitué de l’endroit, il me posa quelques questions du genre avez-vous déjà été mariée ou êtes-vous veuve ou célibataire et depuis quand? Travaillez-vous encore? Et patati et patata. Il finit par suggérer que nous allions boire un digestif au grand bar du rez-de-chaussée de l’hôtel. Et j’ai encore accepté!
– « Limoncello, amaretto, cognac, porto, mandarine Napoléon? »
– « S’il vous plaît, j’aimerais bien un troisième latté. Je n’aime pas trop l’alcool, mais j’adore le café! »
Bien assise sur le nouveau canapé bleu azuréen du grand hôtel, l’homme roux me parle de voyages. Il me montre son billet d’avion, direction Dubaï. Malgré mes trois lattés, ma tête et mon cœur s’assèchent.
— « Quand partez-vous? », lui demandais-je pour meubler la conversation.
— « Jeudi, le 4, dans exactement 5 jours! », répond-il avec grand enthousiasme.
— « Quand reviendrez-vous? »
— « J’ai un billet ouvert. Peut-être que ça pourrait dépendre de vous!
— « Que voulez-vous dire, monsieur? »
— « Louons-nous une chambre et amusons-nous un peu! »
OUASH! OUASH! OUASH! AU SECOURS!
De retour à la maison, je m’agenouille et remercie le grand manitou et tous ses anges de m’avoir sauvé de l’opprobre. Quelques jours plus tard, je raconte à Natasha mon déjeuner au Ritz et elle me reproche de ne pas avoir suivi son avertissement en ne passant pas trop de temps en compagnie de l’homme. J’ai passé presque cinq heures avec une belle tête de malappris!
La marieuse me suggère un deuxième candidat. Elle m’avertit que cet homme est très bien, mais immensément malheureux. Son épouse adorée est décédée depuis presque un an et ses trois grandes filles musiciennes insistent pour que leur père retrouve le goût de vivre.
Comme je connais un peu mieux la routine, je me laisse tenter par ce deuxième chevalier. Ces filles auraient-elles un papa chef d’orchestre? J’ai hâte d’entendre un peu de musique.
Je suis la recommandation de Natasha et nous faisons d’abord connaissance au téléphone. Tout semble bien aller! Aucune fausse note, dirais-je. Je peux donc étirer ma chance et rencontrer le futur bon candidat. Surprenamment, j’apprends que l’homme réside à une petite douzaine de kilomètres de ma maison. Il me texte pourtant l’adresse du restaurant LES ENFANTS TERRIBLES du Centropolis de Laval. Seraient-ce ses trois grandes filles qui ont choisi l’endroit de ma prochaine rencontre?
Arrivée la première, je cherche un coin retiré pour me cacher. Un serveur en grand tablier noir arrive et m’offre quelque chose à boire pour patienter. Je lui commande un grand café avec deux crèmes.
— « Dites-moi, jeune homme, où se situe la salle de bain? »
Lorsque j’en reviens, je vois un vieillard chauve essayant malaisément de se lever pour me serrer la pince. L’homme serre pourtant ma main si fort qu’on dirait qu’il voudrait la garder pour toujours! J’ai tout de suite l’impression que quelques larmes parlent à sa place. J’essaie d’être gentille, mais les mots dans ma bouche se noient de tristesse. L’homme a oublié ses lunettes de lecture et j’épluche le menu à sa place. Il se souvient soudainement qu’à sa dernière visite avec feu sa tendre épouse, ils avaient tous les deux mangé du pâté chinois.
Ce sera un pâté chinois pour monsieur Bernard et moi, je resterai vieille fille jusqu’à cent ans!
À SUIVRE.
Cora
❤️
La vigilante marieuse insiste sur la qualité de ses candidats. Quatre hommes de bonnes valeurs, d’âges compatibles avec le mien, instruits, bilingues ou trilingues, un musicien, un homme d’affaires, un grand voyageur et un professeur de philosophie à la retraite.
— « Wow, chère Natasha! Et moi, serai-je à la hauteur? »
— « Ne vous inquiétez pas! Vous êtes encore attirante. Nous avons compilé les réponses des quatre concurrents et nous pensons que chacun d’entre eux pourrait vous ravir. N’ayez crainte, car vous n’aurez que l’embarras du choix. »
— « Quand pourrai-je les rencontrer? »
Les gens paient généralement des assurances pour que rien de fâcheux ne leur arrive. Mais l’amour, le grand, le solide, le magnifique, est-il seulement garanti? Mes petites cornes de femme d’affaires habituées à me faire douter, parlementer, négocier ou monnayer font surgir la question : que vais-je en faire?
— « Oubliez vos cornes et laissez votre petit cœur parler, me répond la marieuse. Chaque femme a le droit de trouver son prince charmant ».
J’avais trouvé le mien à 18 ans. J’en rêvais, tellement il était beau! Jamais, cependant, je n’ai pu lui serrer la pince parce qu’il gagnait sa vie comme acteur au cinéma. En effet, lorsqu’en 1965 le fameux film « Le Docteur Jivago » est arrivé dans les salles de cinéma, la terre entière a découvert la beauté et l’immense talent d’Omar Sharif, le très célèbre comédien qui incarnait le docteur Jivago. J’avais visionné cette histoire d’amour une vingtaine de fois avant même que le vilain ogre charcute mon cœur.
— « Dame Natasha, aidez-moi. Ayant si peu d’expérience des choses de l’amour, comment pourrais-je choisir le meilleur homme pour moi? » J’appris ainsi que je devrais d’abord avoir une conversation téléphonique avec chaque candidat avant que nous décidions de poursuivre.
— « N’oubliez pas d’utiliser votre nom fictif (Claudia) en parlant à chaque candidat! Quelque trente ou quarante minutes suffiront pour un premier contact. »
— « Mais qu’est-ce que je leur raconte? Que je suis une vieillotte inexpérimentée à la recherche d’un prince charmant? Dame Natasha, dites-moi, les hommes sont-ils plus dégourdis, fonceurs, adroits, et entreprenants? »
Peut-on connaître les tréfonds de l’autre lorsqu’on a soi-même mille difficultés à ouvrir son propre cœur? Dix mille sentiers brouillent l’adresse du véritable bonheur. Toute cette aventure vaudra-t-elle son pesant d’or?
Que vend la marieuse, au juste? Même pas une toute petite assurance de succès! Quatre conversations téléphoniques avec quatre voix d’hommes; quatre rencontres en personne garanties si personne ne se désiste. Seul un très long questionnaire d’environ 200 questions nous lie. Où en suis-je avec toutes ces balivernes? Dame Natasha devine mon état d’esprit et me convainc de poursuivre le programme. Dès ce soir, elle me mettra en communication téléphonique avec un premier candidat.
Professeur de philosophie à la retraite, le premier prétendant s’annonce comme un grand sportif à tête rousse pratiquant le ski, le golf, le tennis, le vélo de montagne et l’équitation.
Essoufflée comme je suis rien qu’à écouter son discours, mon cœur tombe du cheval juste à y penser! Mais j’aime la philosophie. J’aime aussi sa belle tête rousse aperçue en photo. Ce premier homme pourra-t-il m’aider à comprendre Martin Heidegger, celui qui, pour moi, s’avère le philosophe le plus influent du XXe siècle?
Natasha me suggère d’accepter une courte rencontre en personne. Un déjeuner, un latté dans une pâtisserie ou une promenade au parc Lafontaine. « Attention, par contre! », me prévient-elle. « Défense de passer toute la journée avec lui ». Les rencontres trop longues peuvent laisser entrevoir trop de choses.
L’homme à tête rousse me suggère un déjeuner au Ritz et je dis OUI! Pourquoi pas? C’est à ce Ritz que je me rendais d’ailleurs jadis chaque mois pour un déjeuner-causerie de femmes d’affaires.
Dans la longue file d’attente, une tête rousse bien garnie attire mon attention. La trouille s’empare de moi. Je le trouve trop beau, trop jeune et le suppose plus intelligent que moi. Cet ancien philosophe connaît certainement par cœur toute la descendance de l’homme de Cro-Magnon.
Je deviens nerveuse. J’ai faim. J’ai tellement hâte de boire mon premier café! Puis le maître d’hôtel me reconnaît et m’invite à m’asseoir à l’une de ses meilleures tables qu’il garde pour ses bons clients. Claudio, le plus vieux serveur du Ritz, m’aborde avec un immense sourire.
J’hésite, je zieute, je cherche la tête rousse. J’avertis le maître d’hôtel que j’attends quelqu’un. L’homme roux me rejoint enfin à la table. Devinera-t-il qui je suis? Il s’assoit, me dévisage et semble se demander s’il me reconnaît de quelque part.
— « Chère dame Cora, lance Claudio, vous ne vieillissez jamais? Ça fait trop longtemps qu’on ne vous a pas vue! Ce midi, je vous propose notre fameuse quiche sans croûte aux champignons, poireau et fromage de chèvre. Qu’en pensez-vous? »
À SUIVRE.
Cora
❤️
Femmes ou hommes esseulés, que cherchons-nous? Une présence, un compagnon, une compagne, peut-être le véritable amour? L’autre qui écoute, l’autre qui attend; une voix qui répond oui, ou peut-être non.
J’ai tellement de difficulté à imaginer une présence constante à mes côtés. Embarrassante ou bénie, l’imagination me manque et peut-être aussi l’expérience. Pour tout dire, je n’ai jamais fréquenté un réel cavalier. Oui, peut-être. Je me rappelle mon bal de finissants. Un joli jeune homme frisé comme un mouton m’avait tendu la main. Mal à l’aise dans mes souliers tout neufs, j’avais osé dire au jeune homme que je ne savais pas danser.
Depuis toujours, je manque de féminité, de grâce, de douceur et de finesse. Peut-être est-ce de ma faute? J’ai été élevée à la dure et je me suis mariée obligée avec le pire des prétendants. Lorsque cet oiseau de malheur s’est finalement enfui dans son lointain pays, j’ai prié pour que le dieu Thor, le fameux dieu du tonnerre, m’empoigne et me secoue jusqu’à ce que j’apprenne à gouverner ma vie. Je suis devenue une femme d’affaires intéressante et florissante, mais je n’ai jamais réellement pris de temps pour moi.
Natasha la marieuse, une belle jeune femme dont la passion est de rendre le plus de gens heureux et bien accompagnés, adore son travail et toutes les facettes du jumelage d’amoureux potentiels. Elle agira avec moi à titre de coach pour désamorcer mes craintes, mes interrogations et les petits désespoirs qui ne dureront qu’un moment, me laisse-t-elle croire.
Par un matin d’octobre frisquet, persévérante et optimiste, j’enfile mon latté au café du village. Ne faut-il pas assez le vouloir pour s’engager à traverser à la nage une rivière bourrée de requins? Il faut du moins le vouloir assez pour remplir candidement un très, très long questionnaire qui deviendra « mon profil ». Ce profil doit rester démuni de poésie, de vaillants adjectifs et de détails embellissants. Est-ce que je me connais suffisamment pour mener à bon port ce périlleux devoir? Vaille que vaille, je ne serai ni trop sévère avec moi-même ni trop pessimiste face aux griffures de l’âge.
« Tout le monde vieillit », me rassure la gentille Natasha.
Tout ce que je désire, c’est de rencontrer un homme bon, gentil et poète à ses heures. Ne sait-on jamais, mes lignes, ses lignes, comme des notes de musique, pourraient s’harmoniser ensemble. Je me connais si peu. Je suis telle une chaîne de petits volcans qui allument des feux, et celle qui, bien souvent, les éteint en désespoir de cause.
Comme dirait la Française Laure Adler avec ses lunettes de soleil en forme de cœur : « l’âge, cette épouvantable cinquième saison » bousille, disloque et sabote notre tranquillité. Que peut-on espérer lorsqu’il n’y a que la fin à se souhaiter?
Pourtant, j’attends paisiblement qu’une main brune, rose ou noire s’accroche à mon bras. Ce long questionnaire m’apprendra-t-il quelque chose à mon sujet? Où est-il, cet être tant souhaité? Cette âme sœur que j’attends depuis si longtemps? Verra-t-elle quelques branches de sapin dans mes yeux verts? Aimera-t-elle mon allure mi-figue, mi-raisin?
En ce matin d’octobre 2021, l’homme de mes rêves lit peut-être son journal dans un aéroport. Ou il taquine les dernières petites truites de l’été au bout d’un quai. Cette chère Natasha me garantit de bons candidats, quatre profils compatibles avec les 200 questions auxquelles j’ai moi-même répondu.
L’homme, le vrai, le bon pour moi, c’est tout probablement un personnage de roman que je n’ai pas encore écrit.
À SUIVRE.
Cora
❤️
En septembre 2021, j’ai finalement décidé de passer à l’action. J’ai appelé la fameuse agence de rencontres pour prendre un rendez-vous avec une certaine dame Natasha qu’une bonne copine m’avait chaudement recommandée. J’ai voulu décommander dix fois au moins, mais, courageuse et résolue, j’ai tenu bon. Dame Natasha allait me réserver deux grosses heures pour remplir toutes les formalités nécessaires. C’est donc ainsi que, le jeudi 30 septembre, endimanchée d’un bel ensemble rose-Kennedy, j’allais devoir me faire photographier sous tous mes meilleurs angles.
Avais-je autant envie d’être en amour? Je me sentais surtout mal à l’aise dans mes petits souliers et je voulais juste foutre le camp. Que ferais-je d’un homme? Même d’un oiseau rare. Corneille ou pinson, m’apprendrait-il à chanter? Je cherche un écrivain pour affiner mes mots, un explorateur à tête blanche ou un professeur de philosophie. Que m’importe, je veux juste qu’il soit bienveillant, gentil et attentionné.
Natasha la marieuse est une femme extrêmement gentille et connaissante en matière de jumelage amoureux. Je n’ose pas lui demander si elle-même est mariée et heureuse. Dès notre deuxième rencontre, nous jasons de tout et de rien comme deux bonnes copines : de quelques anciens flirts galants, de mon affreux mari et de quelques hommes valeureux que je n’ai jamais pris le temps d’aimer. Après m’être enfuie d’un douloureux mariage, je croyais ne plus jamais penser à aimer.
– « Qu’avez-vous donc fait, Claudia? », me demande Natasha la marieuse. Claudia est le prénom fictif qui m’a été donné pour préserver mon anonymat. C’est une règle de l’agence pour toutes les clientes qui souhaite opérer dans la plus grande confidentialité. Je lui demande si les hommes font de même et elle m’apprend que oui, jusqu’à ce qu’un « match » s’avère solide.
– « J’ai éventuellement ouvert un petit commerce de restauration matinale qui a très bien réussi et qui, franchement, est rapidement devenue une grande chaîne de restauration. »
– « Je sais qui vous êtes! Mais continuons avec votre nom d’emprunt au bénéfice de la cause qui, aujourd’hui, nous tient à cœur. Vous méritez certainement quelques années de bonheur avec un réel prince charmant! »
– « Encore faudra-t-il le trouver! »
La gentille marieuse m’explique en détail les trois étapes simples pour rencontrer un véritable prince charmant.
Primo : s’inscrire à un des forfaits de l’agence.
Deusio : définir le profil de l’oiseau rare dont je rêve.
Tertio : donner mon accord pour rencontrer des candidats sélectionnés selon mes désirs.
Étant moi-même plus mûre que les fraises en automne, mes mains, mon visage et mes bras, tout ce qui se voit à l’œil nu, ont l’air un tantinet maganés. Je m’aime pourtant. J’aime la couleur et j’aime surtout la porter. Choisir ma vêture chaque aurore stimule l’artiste que je suis.
– « Le rose vous va tellement bien!, me dit la marieuse. Vos photos attireront nos meilleurs candidats. »
– « Vous allez publier mes photos? », lui demandai-je, un peu surprise.
Un court instant, j’essaie d’imaginer la bouille de cet homme de mes rêves. Je rêve d’une grosse chevelure, blanche soit-elle, des yeux bleu-vert comme la mer, de grandes mains pour donner et un cœur d’or que tout le monde aimerait posséder. Peut-être verrais-je de loin sa jolie chemise à carreaux rouge et noir? M’approcherai-je de trop près pour voir les poils foncés dans ses oreilles? Comme lorsque j’étais toute petite et que je grimpais sur les épaules de mon papa pour tirer quelques poils de ses oreilles.
Que l’homme vieux arrive en toge de roi ou en chemisette de berger, j’accueillerai son visage d’ange et sa voix parfaite. Mais il devra sourire, car c’est ainsi que j’entrerai dans son cœur.
Dans ce vaste monde, à ce que disent les statistiques, 60 % des femmes chercheraient un homme, le bon, le magnifique, et seulement 40 % des hommes chercheraient une perle rare.
Et les vieillottes, chère Natasha, quelle chance ont-elles? Dégarnies de leurs attraits, l’espoir s’avère-t-il suffisant en plus du vouloir?
À SUIVRE.
Cora
❤️
J’écris ce matin pour apaiser tous ces tourbillons d’idées qui tambourinent dans ma caboche. Je cherche un nouveau mot, un verbe créateur, une glissade d’idées qui s’allonge, s’étire et risque peut-être de ne vouloir rien dire.
Mon cœur bringuebalant tremblote et palpite. L’amour, le vrai et le grand, me provoque encore avec de petites taquineries galantes. Oui, oui! Ce nouvel ami qui, dernièrement, s’est immiscé dans notre groupe de vieux est tellement beau et gentil qu’un vif sentiment me pousse à chercher à m’asseoir tout près de lui. Quelle fofolle je suis! Quelle étrange aventure que de vouloir aimer! Depuis toujours, je traîne l’immense mot « AMOUR » caché dans mon vieux cœur dont j’ai tout probablement perdu la clé.
Ma chanceuse copine Gisèle a pourtant trouvé l’amour et la beauté chez un solide vieillard. Six pieds deux pouces, les yeux bleus. Comme je les envie tous les deux. Ancien homme d’affaires, globe-trotteur et collectionneur d’œuvres d’art, l’homme nommé Jérôme a passé tout le temps des Fêtes avec ma copine plus gentille que la gentillesse elle-même.
Certes, ils m’ont invitée entre Noël et le Jour de l’An, mais j’ai prétexté cinq jours à Québec déjà réservés pour laisser les amoureux en couple au lieu de jouer la cinquième roue du carrosse. Ce petit mensonge blanc aurait-il sauvé mon honneur? En tout cas, il ne m’a pas épargné des larmes, car j’ai braillé comme une Madeleine toute seule en pyjama au pied du sapin avec quelques réconfortantes tartines de caramel dans un joli cabaret de Noël.
Comme l’amie Gisèle m’avait aussi envoyé une belle boîte de délicieux sucre à la crème, le lendemain matin je me suis renippée et empressée de les partager au café avec mon groupe d’amis et le nouvel arrivé. Ce dernier me prodigua un sourire aussi éclatant qu’un message publicitaire à la télé.
Marié avec sa tendre Carole, mon deuxième voisin, dans la soixantaine avancée, me racontait l’autre jour que des vieillards défraîchis trouvent l’amour et souvent une bague au doigt. Ces fringants audacieux s’endimanchent, se peignent, se parfument et sortent danser. Ils arrivent, ils zieutent l’endroit et tendent la main aux plus belles dames présentes sur le plancher de danse. Moi qui n’ai jamais valsé ni même jamais plus essayé de danser après que le plancher de danse ait servi de lieu damné de rencontre avec le mari, je n’ai que des mots alignés pour me consoler; ceux que j’écris et ceux que les plus grands auteurs me servent sur des plateaux d’argent.
Ces jours-ci, cependant, j’ai vraiment besoin que quelque chose ou quelqu’un m’électrise, m’excite et m’enflamme. Ce nouvel ami serait-il célibataire? Je l’espionne, je le guette; j’attrape vite un torticolis à force de me cacher pour l’observer.
Un peu avant la fin de la pandémie, je m’étais inscrite à un genre de cours de sagesse en ligne donné par une vénérable institution. Vous en ai-je déjà parlé? Tous les dimanches avant-midi, pendant trois heures, j’écoutais sur mon iPad les précieux conseils des experts, puis je devais effectuer un devoir et le soumettre. Je devais aussi déterminer un robuste objectif à atteindre. Croyez-le ou non, je n’ai pas choisi d’escalader le mont Kilimandjaro, mais quelque chose de presque aussi insurmontable!
Après quelques recommandations d’amies proches, j’ai plutôt décidé de m’inscrire à la « meilleure » agence de rencontres en ville! Il me fallut tellement de courage pour oser vaincre mes peurs! Après tout, j’étais une femme mature, active, quasi indisponible et peut-être un peu trop facilement reconnaissable.
Serais-je trop vieille pour taquiner l’amour?
À SUIVRE.
Cora
❤️
Vous souvenez-vous de cette gentille journaliste qui m’a interrogée à quelques reprises dans le passé? Elle m’invite encore à répondre à ses audacieuses questions. À ce que j’ai compris de son propos, la jeune femme écrit actuellement un livre sur la vie des femmes de plus de 50 ans célibataires, indépendantes et qui profitent bien de la vie. Comme d’habitude, je suppose que la jeune journaliste n’hésitera pas à décortiquer ma surprenante vie.
— « Chère Cora, puis-je d’abord vous remercier d’avoir accepté de participer à mon projet? »
— « J’ai très souvent eu l’occasion d’aider, d’écouter, de conseiller et même d’être un attentif mentor pour certaines jeunes femmes durant ma vie de femme d’affaires. Aujourd’hui, je m’enorgueillis de pouvoir participer à votre projet stimulant! Vieillotte aguerrie, je ne suis plus sous les feux de la rampe, mais ma vaillante plume s’immisce encore dans des milliers de cœurs bien intentionnés. »
— Cherchez-vous encore un prince charmant? »
— « Charmante dame Isabel! Cet homme de mes rêves, je l’ai cent fois imaginé et je le connais par cœur. Ses yeux bleu-vert dans lesquels je me noie, son front sur lequel j’écris mon nom, ses joues chaudes qui me réchauffent, sa voix qui m’appelle, son cœur qui m’ensorcelle. Dans ses bras, si je le pouvais, je m’endormirais pour toujours. »
— « Tout le monde le sait, vous vous êtes mariée avec le mauvais gars. N’avez-vous jamais eu envie de donner sa chance à quelqu’un de mieux? »
— « À cinquante ans, un honnête homme m’a passé la bague au doigt, mais ça n’a pas duré. J’étais déjà, à cette époque, une femme d’affaires galopant sur l’autoroute du succès. Pourquoi me suis-je mariée? Je l’ignore encore. Je visais la conquête de tout un grand pays et je n’avais pas le temps de jouer à pitou et à minou. Voilà pourquoi l’époux à tête blanche a décidé de retourner dans sa Bretagne natale, comme l’aurait fait l’aigle Pygargue à queue blanche avec une certaine moue. »
— « Wow, c’est toute une révélation que vous venez de me faire! Moi qui pensais bien vous connaître, je comprends que vous cachez encore plusieurs secrets dans votre besace à souvenirs! Pour l’instant, continuons notre propos. »
— « Cora, vous considérez-vous comme une femme puissante? »
— « L’ai-je déjà été? Je suis totalement incapable de tuer une fourmi, une souris ou même un petit maringouin. Je me considère beaucoup plus comme une artiste, une créatrice, et peut-être, par ricochet, une sérieuse femme d’affaires qui a osé se cogner le nez sur le fameux plafond de verre. J’ai dû assumer ma singularité, mes talents et mes croyances. Je n’essayais jamais de rivaliser avec les hommes et je n’avais pas peur de dire oui ou non lorsque j’étais convaincue. J’ai pris des risques calculés et je me suis toujours documentée avant d’agir. Encore aujourd’hui, j’ai le non et le oui aussi solide qu’un lingot d’or et je continue sans cesse à me renseigner sur tous les sujets qui me passionnent. Il n’en demeure pas moins que ma curiosité se révèle ma plus grande puissance! »
— « Madame Cora, diriez-vous que vous vivez dans l’aisance? »
— « Certes, je suis de celles qui ont dû rapidement apprendre à compter. Moi qui ai tellement manqué d’amour, d’affection et de tendresse, peut-être la vie a-t-elle voulu que je réussisse en affaires à titre de consolation. Je n’ai jamais été une personne extravagante, dépensière, ou irréfléchie. J’ai économisé, un peu à outrance, je l’avoue, pour l’avenir de mes petits et pour les causes qui me tiennent à cœur. Je me considère riche d’expérience, de créativité et de détermination. Tout ce que j’ambitionne d’accomplir, je le pratique jusqu’à ce que je réussisse à le faire. »
— « Parlez-moi un peu de votre cercle d’amis. »
— « Avec plaisir! J’ai sept ou huit bons amis. Je pense d’ailleurs que notre groupe de vieux s’avère une réelle bénédiction du ciel. Presque chaque matin vers 7 heures, nous prenons ensemble notre premier café de la journée. Nous jasons, nous nous racontons tout ce qui nous arrive, tout ce dont nous rêvons et tout ce dont nous avons un peu peur. Oui, oui! Nous échangeons sur des sujets aussi variés que nos bobos, nos peurs, nos rendez-vous chez le toubib et quelques rares désirs à assouvir avant de nous envoler. J’ai aussi la chance de pouvoir compter sur des professionnels qui ont croisé ma route et avec qui je me suis liée d’amitié, comme vous, chère dame Isabel! »
— « C’est un honneur pour moi de savoir que vous me considérez comme une amie. Merci pour votre confiance. Cora, le temps file comme un éclair et, très bientôt, vous atteindrez l’âge de 80 ans. Est-ce que vous aimeriez qu’on vous organise une grande fête? »
— « Attendez plutôt que j’aie 100 ans, comme Jeannette Bertrand, car j’espère m’y rendre. Je roule encore ma bosse, je cuisine, je tricote, j’écris à outrance et je lis chaque jour une centaine de pages des meilleurs auteurs. Je bois deux grands cafés chaque matin en compagnie de mes amis. Comme vous le savez, j’ai travaillé dans une cuisine d’innombrables matins jusqu’en après-midi, alors ça surprend toujours lorsque je dis que moi, la reine du déjeuner, je ne déjeune jamais! L’appétit me vient vers 14 h. Je mange très peu de viande. En bonne Gaspésienne, je préfère encore le poisson pour mon repas du midi. Quant au soir, depuis quelques années, je me contente de fruits frais, de yogourt, de dattes, de noix et de céréales… sauf si on me propose une sortie au restaurant! S’il m’arrivait qu’un beau mâle me tende la main, je pourrais aussi sans vergogne lui mordre un doigt.
Cora
❤️
Le chiffre 7 a toujours exercé une fascination particulière sur l’humanité, transcendant les cultures et les époques. Le saviez-vous? Sa signification spirituelle profonde résonne comme une mélodie cosmique invitant chacun d’entre nous à explorer les mystères de l’existence.
Ce chiffre 7 se retrouve un peu partout dans la nature : 7 océans, 7 continents, et 7 couleurs de l’arc-en-ciel. De plus, la plupart des mammifères ont 7 vertèbres cervicales. Le 7 s’immisce souvent dans les contes de fées. Barbe-Bleue a 7 épouses et Blanche-Neige rencontre 7 nains et habite avec eux. Dans les contes de Grimm, un vaillant petit tailleur tue 7 mouches d’un coup et les bottes de l’ogre qui pourchasse le Petit Poucet, d’ailleurs âgé de 7 ans, peuvent parcourir 7 lieues sans forcer.
Il s’avère aussi un choix très populaire dans le monde des jeux d’argent. À ce qu’il paraît, les machines à sous offrent un gros prix quand on obtient trois 7. De nombreux sondages ont d’ailleurs déterminé que le chiffre 7 était le chiffre porte-bonheur le plus répandu dans le monde.
On retient facilement le chiffre 7 car il concorde avec les capacités humaines de mémoire et de concentration. Généralement, le cerveau n’arrive à emmagasiner que 7 informations différentes à la fois dans sa mémoire à court terme.
Le chiffre 7 apparaît dans les religions du monde entier. Il orchestre les systèmes de croyances. Il y a 7 dieux japonais du bonheur et 7 péchés mortels dans la bible. La menora hébraïque comporte 7 branches et la première sourate du Coran, 7 versets.
Le chiffre 7 est mathématiquement attrayant. Il s’agit à la fois d’un chiffre impair et d’un nombre primaire; ce qui veut dire qu’il ne peut être divisé que par 1 ou par lui-même. Il n’existe pas deux nombres identiques qui s’additionnent pour donner un 7. Bien sûr, ces caractéristiques intéressantes s’appliquent aussi à d’autres nombres impairs et primaires.
Le chiffre 7 occupe aussi une place importante en astrologie, souvent associé à la transformation spirituelle et à l’éveil de la conscience. Il symbolise le passage d’un état à un autre. Il existe 7 planètes classiques, c’est-à-dire des objets astronomiques mouvants et visibles à l’œil nu. La lune, le soleil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne.
Le chiffre sept a marqué deux jours importants dans ma vie : je suis née le 27 mai 1947 et j’ai ouvert mon premier restaurant Cora quarante ans plus tard, précisément le 27 mai 1987.
Peut-être connaissez-vous l’illustre Rudolf Steiner, ce philosophe autrichien qui inventa une théorie du développement humain fondée sur 7 cycles de 7 ans? D’après Steiner, tous ces cycles de 7 ans, c’est-à-dire 0-7 ans, 7-14 ans, 14-21 ans, 21-28 ans, etc., jusqu’à 42 ans et plus, forment ensemble une sorte de « carte routière de la vie d’un individu ». Chaque cycle compte pour une étape du développement d’une personne. Ayant aujourd’hui 77 ans et quelques poussières, j’accumule déjà, selon Rudolf Steiner, onze cycles de sept ans dûment vécus, soit 4 de plus que sa théorie. Avec mes onze cycles de 7 ans, aurai-je assez bourlingué? Que me reste-t-il donc à espérer?
En 2022, les données de Statistiques Canada ont montré que notre pays comptait près de 13 500 centenaires, soit une augmentation de 48 % par rapport à 2018. Au cours des 25 prochaines années, les calculs statistiques prévoient que la population âgée de 85 ans et plus pourrait tripler pour atteindre près de 2,5 millions de personnes et plus de la moitié d’entre elles seront des femmes qui, statistiquement, vivent encore plus longtemps que les hommes. OUF!
Aujourd’hui je vois ma vie tel un immense gâteau. Mais combien de morceaux dégusterai-je encore? Combien d’autres cycles de 7 ans ajouterai-je à mon parcours? Si je survis à quatre autres, j’aurai alors 105 ans! Youpi!
Cora
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