La petite histoire… du Réveil Samira!
Un matin, un homme d’une cinquantaine d’années apparaît dans l’embrasure de la porte du boui-boui. Sa figure est coupée par une épaisse moustache coiffant un sourire irrésistible. L’homme hésite quelques instants à entrer, puis finit par céder à la muscade d’un gruau venant tout juste d’être servi au comptoir. De toute évidence, ce réfugié de noble famille est habitué à de plus luxueux établissements. Il avance vers le comptoir et doit enjamber la canne du vieux Sarto pour s’y installer. Il lorgne quelques instants les manœuvres de crêpes ayant lieu sur la grande plaque de cuisson et demande :
Des fruits… si possible bien frais, mademoiselle.
Frais! Rétorque Marie, comme si elle avait trouvé une tarentule dans le pot de sucre. Diable! Monsieur, nous n’avons que des fruits frais. D’où sortez-vous pour ne pas le savoir?
Et voilà monsieur Samira obligé de lui raconter toute son histoire de fleuriste immigré accusant une certaine réussite sur le boulevard Décarie à Saint-Laurent. La demande de Samira nous fait lui servir une belle assiette ne contenant que des fruits joliment coupés, sans crêpe, fromage ou pain doré. Parce que c’était son déjeuner favori à Beyrouth, du temps où sa mère lui apportait elle-même la petite assiette transparente toute remplie de pêches, d’abricots et de figues à la chaire mauve.
Quoique notre assiette soit composée d’autres variétés de fruits frais, nous l’avons baptisée Réveil Samira à cause du fleuriste libanais et longtemps nous l’avons illustrée avec une rangée de tulipes multicolores sous les mots.