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1 décembre 2024

Le ciel ce matin

Ce matin, un ciel en furie tel une mer moutonneuse, un champ de bataille, du bleu d’encre, des lignes noires, des trous dans ma tête et mes doigts vaillants qui tambourinent sur le clavier. Les jours s’enfuient au gré de ces pages noircies de mots qui n’ont ni queue ni tête.

À travers la vitre du café, j’observe un ange qui s’affaire à nettoyer la voûte céleste. Il ajoute une toute petite goutte de teinture bleue et maquille l’immensité du ciel. J’en oublie mon rêve, mon âge et les craquètements de mes os usés. De toute jeune et verdâtre comme mon arbre de prédilection, je suis devenue un vieux « tremble » qui tremblote à l’occasion. Au fond du lot, cet arbre majestueux et moi vieillissons ensemble. Notre manteau d’écorce tacheté devient plus friable; mais notre sève s’assagit un tantinet plus sage chaque jour.

J’ai des millions de mots dans ma besace qui, jour après jour, me bricolent un scénario quasi convenable. Oui, oui! Mon imagination possède ce pouvoir. Chaque matin, elle me tricote un peu de chaleur. Elle se souvient d’anciennes victoires, de trophées mérités, de bouilles magnifiques que j’aurais dû aimer.

« Écrire n’est possible qu’en écrivant », selon le célèbre écrivain Robert Lalonde. Tout ce que je souhaite c’est sortir de ma tête de jolies phrases, des adverbes impardonnables, et des mots hors du commun qui produiraient une réelle histoire. Je tente d’apaiser mes hésitations et mes craintes; j’ai peur des fantômes qui risqueraient de me contredire. Devant moi ce matin, ma page blanche se révèle aussi vaste que le désert du Sahara.

De retour à ma table de cuisine, je respire la sueur des fleurs fanées de septembre. Vieillotte, je tremblote; je maudis le tictac endiablé du temps. Verrai-je bientôt l’ailleurs promis aux femmes de bonne volonté? J’essaie d’endormir ma tête, mais elle s’entête à vouloir rêver les yeux grand ouverts. Morphée pourrait-il m’oublier au mitan du lit?

Après quelques cafés pour me réveiller, et peut-être un ou deux biscottis, je commence à écrire pendant que le linge se lave tout seul dans la machine. Cinq ou six fois par jour, je cherche mes lunettes grossissantes. Elles se trouvent peut-être sous un coussin, sur une table embourbée de livres, derrière un divan ou dans ma Mini. Je cherche toujours quelque chose.

À travers l’immense mur de fenêtres de ma cuisine, je vois l’automne brunir; le vent froidir. Les petits oiseaux ont vidé toutes les mangeoires. Vont-ils migrer, dormir dans le creux d’un arbre ou dans le feuillage d’un conifère? Comme chaque année, avant l’arrivée de la neige, je leur étalerai un réel festin.

Jeunette, je me souviens, j’écrivais dans la cave, tout près de la vieille machine à laver.
En bruit de fond, le tordeur grincheux se lamentait. Les yeux jaunes brillants du bonhomme sept-heures m’épiaient à travers la vitre. J’avais 7 ou 8 ans quand j’ai composé mes premiers poèmes. Mon père affilait la mine noire de mon crayon avec son couteau de poche. Ma mère me donnait l’envers des feuilles du calendrier. J’écrivais de nouveaux mots, de courtes phrases, des débuts d’historiettes que je cachais dans la taie de mon oreiller.

Sur la table de cuisine en Formica, nous découpions nos dessins d’enfants et les collions avec la chair cuite d’une patate sur l’envers d’une page désuète de calendrier. En hiver, nous patinions sur la glace du petit ruisseau; mon nez coulait, mes jeunes années s’écoulaient.

Plus tard, installée sur un banc de parc, j’ouvrais mon calepin et je prenais mon stylo bleu. J’y déposais une première phrase, une seconde pareillement boiteuse. Avec des feuilles mortes à mes pieds et quelques fourmis grimpant sur ma jambe, l’attente du bon mot s’est toujours avérée insupportable pour moi.

Assise à ma table, perdue dans mes pensées, une autre bribe du passé jaillit. Avril 2016, à Kyoto. Les cerisiers en fleurs habillés de toutes les teintes de rose et de blanc. Je visite à pied le quartier des geishas de Gion. Leurs visages et leurs cous entièrement fardés de blanc; leurs lèvres rouge profond font de leurs maquillages de véritables œuvres d’art. Leurs costumes sont des tableaux de maîtres et leurs sourires, des souvenirs immortels…

Je termine ma lettre d’aujourd’hui avec les extraordinaires mots du grand écrivain Nikos Kazantzakis dans son dernier livre intitulé : « Lettre au Greco ».
« Mon âme tout entière est un cri, mon œuvre, l’interprétation de ce cri… »
Je m’efforce de consoler ce cœur vieillissant, de l’amener à dire librement OUI!

Vieillie si vite, j’ai souvent l’impression d’avoir trop travaillé. Je n’ai jamais appris ni à danser ni à aimer. Quelques fois, j’entends mon cœur battre comme un grondement de tonnerre. Peut-être est-ce une cloche qui sonne ou une sirène de pompier; ou encore un bel amoureux qui plonge dans ma cheminée.

Très chers lecteurs, le ciel ce matin était chargé d’immondices et je peinais à écrire. Était-ce le ciel en furie? Était-ce moi? Était-ce mon cœur vieillissant qui s’acharne à vouloir aimer?

Cora
❤️

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