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29 septembre 2024

Le rêve du mari, mon cauchemar... Chapitre 4

Sur le chemin du retour entre l’hôpital et le village, ni Thanassis, ni mon mari et moi n’avions prononcé un traître mot. Un épais malentendu déchirait l’atmosphère. La mare de sang dans laquelle je m’étais réveillée sur la civière et les deux pilules que j’avais dû avaler dépassaient mon entendement. J’avais quand même sorti de mon corps un magnifique poupon à peine plus de 40 jours auparavant et voici que le sang coulait encore entre mes cuisses. Ce vieux docteur m’avait abîmée, charcutée, avortée. À ma première grossesse, mes beaux-frères avaient convaincu l’homme de m’épouser parce que j’étais la première qui lui refusait de se faire avorter. Parce que j’étais enceinte, je m’étais mariée obligée, comme on disait dans le temps. Mais cette fois, on ne m’avait même pas accordé le droit de prendre la décision.

J’avais soif. Sur la banquette arrière de la vieille bagnole du boulanger, mon corps se tordait de douleur. À l’avant, le mari, fumant comme un défoncé, s’amusait à retenir la fumée dans ses poumons le plus longtemps possible. Dans son empire du silence, il m’ignorait totalement. Je regardais mon ami Thanassis dans le rétroviseur et ça m’encourageait. « S’il te plaît, Thanassis, ouvre une fenêtre. Ma bouche est complètement desséchée. J’ai besoin de boire de l’eau. » Le mari continua à m’ignorer et à avaler de la boucane jusqu’à ce que nous nous arrêtions à la seule station d’essence située quasi à mi-chemin entre la grande ville et le village.
— « Sortons nous dégourdir les jambes », clama l’époux.
— « Bonne idée », rétorqua Thanassis.

J’ai ouvert la porte arrière et tenté de m’extirper de la bagnole. En avançant d’un pas, je m’aperçus que j’avais tacheté ma robe et la banquette arrière et que de minces filets de sang dégoulinaient sur mes jambes. « Thanassis, s’il te plaît, demande à quelqu’un un morceau de tissu mouillé pour me rafraîchir. S’il y a une femme dans la baraque, je veux lui parler. »

Une grand-mère assise dans un coin lâcha son tricot et s’avança vers moi. Elle avait tout compris en voyant mes yeux apeurés, mon visage blême et mes jambes collées l’une sur l’autre. La vieille femme essuya le sang sur mes cuisses, me tendit des découpures de tissus bien propres en me conseillant de m’étendre un peu pendant qu’elle nettoierait la banquette arrière. Elle me mena donc au fond de la bâtisse. C’est à ce moment que je découvris que la station-service abritait une petite pièce secrète où la vieille dame servait d’infirmière et parfois d’avorteuse pour les femmes du village. Elle m’installa sur son lit de fortune couvert de vieux draps.

Enfin revenue au village, j’ai tout de suite raconté à ma belle-sœur Despina qu’après l’examen post-partum habituel, on m’avait endormie sans demander mon consentement et retiré l’embryon d’un nouvel enfant. « Les hommes n’ont aucune idée de ce que les femmes endurent. Moi la première, je me suis bien mariée et j’ai accouché d’un petit garçon mort-né », me dit-elle. Après quelques larmes, je lui ai parlé de la vieille femme du garage. Selon Despina, c’était un secret bien gardé que tout le monde connaissait, mais dont personne ne parlait. À mi-chemin entre la grande ville de Thessalonique et les quelques villages avoisinants Krya Vrysi, les jeunes filles engrossées illicitement visitaient la femme du garage qui s’occupait d’expulser l’avorton et de recoudre l’hymen. Ainsi, la jeune fille redevenue vierge pourrait se marier.

Un souvenir du temps où je demeurais à Montréal me revient en tête. Mariée depuis quelque deux ans, j’avais le ventre quasi prêt à accoucher de ma fille, mon deuxième bébé. Un bon ami du mari nous avait invités à son mariage. J’étais très contente qu’une belle-sœur me prête une robe de maternité qui m’allait. Née au Canada de parents immigrants grecs, la jeune fille de 17 ans travaillait avec son père devenu restaurateur sur l’avenue du Parc et parlait parfaitement anglais et français. Croyez-le ou non, la coutume à cette époque consistait à déflorer la future épouse un ou deux jours avant la cérémonie du mariage pour que le mari puisse être convaincu de sa virginité. Cependant, cette magnifique promise ne l’était pas. Lorsque la mère du futur époux apprit ce qu’il s’était passé, elle annula la noce. Le futur mari, qui aimait sa promise comme un fou, se retrouva le bec à l’eau et le cœur en miettes.

Mais revenons au lendemain matin de notre visite de suivi à l’hôpital. Le mari était réveillé et tenait le tout petit dans ses bras. Il lui faisait des guili-guili pour me faire rire, je suppose. C’était mon troisième bébé, mais c'était vraiment la première fois qu’il prenait un de nos enfants dans ses bras.

Voulait-il être pardonné, excusé, gracié? Voulait-il me faire croire que c’était un service qu’il nous avait rendu la veille? Tout son comportement m’exaspérait. C’était un homme peu éduqué, paresseux, ignorant, imbu de lui-même, irresponsable, illogique et imprévisible. Ce dernier qualificatif m’effrayait au plus haut point. Pensait-il encore que la vie en Grèce était beaucoup plus facile qu’en Amérique? Lui-même, depuis plus de six mois, n’avait trouvé aucune opportunité valable pour gagner sa vie. Mais avait-il vraiment cherché?

Ce mois-là, le jardin débordait de légumes que j’avais ramassés et entreposés au deuxième étage de la maison. Nous avions récolté tellement d’oignons que j’ai dû enseigner à ma belle-sœur Despina comment les confire. Un jour, j’ai coupé le cou d’une belle grosse poule blanche pour notre souper. Les petits se sont bien amusés avec les plumes de la poule qu’ils allaient manger. Le plus vieux adorait les cuisses de poulet avec des frites allumettes cuites dans une grande poêle en fonte. Misère, les petits chercheront le ketchup! Que vais-je faire? Il m’a fallu écrabouiller quelques tomates bien mûres et en faire une « purée maison » comme l’aurait dit notre célèbre Jehane Benoît nationale.

Fin septembre, j’ai commencé à avoir peur. Constatant que le mari ne travaillait toujours pas, le boulanger me donnait le pain de la veille et quelques brioches invendues pour mes enfants. Les poches du mari étaient-elles si vides? Je n’avais aucune idée de ce qu’il possédait. Au café du village, tout ce dont les hommes parlaient, c’était du manque flagrant de travail bien rémunéré.
— « Où pourrions-nous aller? »
— « Peut-être en Allemagne? », murmura Thanassis. « Une grande majorité d’hommes grecs y sont déjà, travaillant dans les usines, sur les fermes agricoles ou dans les restaurants ».
— « L’Allemagne, le Canada ou les États-Unis, c’est du pareil au même! », grogna l’époux lorsque j’ai voulu tâter le terrain.
— « Hambourg, Munich ou Cologne, ça te tente? Tes deux frères au Canada vivent comme des rois avec leurs restaurants. Leurs familles ne manquent de rien. S’il te plaît, retournons au Canada. Demandons le passeport du bébé et partons. Dépêchons-nous! »

À SUIVRE…

Cora
❤️

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