La petite histoire... de la Récolte 90!
Un matin frisquet de mars 1990, alors que nous cherchons un nouveau déjeuner pour commémorer notre arrivée sur le grand boulevard lavallois, Julia invente le délice qui obtiendra rapidement le plus de succès parmi les plats au menu.
Comme presque tous les samedis dans ce temps-là, Julia arrive au travail en retard, encore étourdie par le terrible tango qu’elle a dansé toute la nuit avec ses amis Évelyne, Maryse, Pablo, Caroline, Juan et Domingo.
Pour se soustraire à la double réprimande de sa maman-patron, ma fille se réfugie, dès son arrivée, dans la conversation animée du boulanger qui nous apporte justement les fameuses brioches à la cannelle et aux raisins que nous recherchons depuis peu. Julia empoigne une grosse brioche, la palpe et décide de la trancher en plein milieu dans le sens de la largeur. Elle trempe ensuite les deux demies obtenues dans le mélange à pain doré aromatisé et les couche délicatement sur la plaque de cuisson. Les morceaux commencent à frissonner de peur, puis, peu à peu, cédant à l’embrassade enflammée, le pain se transforme en un surprenant délice. Au moment où Julia soulève avec la spatule les deux morceaux de brioche dorés pour les faire glisser dans la grande assiette blanche, dame Gourmandise lance une fléchette magique dans l’œil de ma fille. Du coup, le regard de cette dernière pétille si fort que même monsieur Leboeuf, notre nouveau boulanger lavallois, comprend que Julia vient d’avoir une idée brillante. Lorsque celle-ci dépose un bel œuf miroir et deux tranches de bacon sur un côté de la brioche dorée, le rythme de ma respiration diminue tragiquement. La magicienne à moitié endormie se précipite ensuite au comptoir de fruits et décore l’autre demie d’une grosse montagne de fruits frais.
« Tiens, maman, voici ton spécial St-Martin! »
« Bravo, ma fille! Depuis le temps que je te plante des graines dans la caboche, voici enfin une merveilleuse récolte! »
D’où le nom dont nous baptisons ce plat : Récolte 90. La nouvelle invention est applaudie par l’assistance. Immédiatement offerte aux habitués du comptoir, elle devient en quelques jours la vedette incontestée des illustrations placardées sur le mur.