La mer était calme, mais dans ma tête, un millier de poissons géants grugeaient mes méninges. Quelle folie que cette croisière! Surtout ces temps-ci, alors que toute notre vaillante équipe du bureau s’affaire à revigorer notre image, à composer de nouveaux plats et à élaborer des surprises pour vous enchanter. Pourquoi donc suis-je partie? Tout probablement pour tenter de lâcher prise et de laisser le champ libre à la panoplie d’experts qui m’entoure.
Malgré le petit balcon, une vue incomparable, le doux roulis des vagues, le grand lit king, six gros oreillers juste pour moi, et une télé presque aussi grande qu’un écran de cinéma, je m’ennuyais de mon monde du café matinal avec mes vieux amis, de mon iPad, de mes pages blanches à noircir et de réaliser les projets qui, comme toujours, dansaient dans ma caboche.
Tout mon entourage m’avait pourtant encouragée à prendre le large et à me reposer en découvrant non seulement l’Alaska, ses immenses glaciers et ses superbes totems, mais aussi les gigantesques buffets flottants, les mille et une pâtisseries envoûtantes et l’armada de restaurants du bateau où je m’attablais comme si j’étais la vieille reine d’Angleterre. Tout était merveilleusement bon et, pourtant, je trouvais le temps long devant toute cette bombance.
Toute ma vie, j’ai eu faim de vivre et soif de partager mes projets avec mes enfants, mes proches, mes collègues et tous ceux qui aiment mon gros Soleil jaune. J’ai arpenté le grand navire de long en large, mais je ne me suis pas laissé tenter par son casino ni par ses spectacles en soirée. Je n’ai pas l’habitude de ce genre de divertissement. Sur cet immense palais mouvant, j’ai expérimenté la chose nommée « vacances » et je dois avouer que le travail, l’écriture, les projets imminents et le constant désir d’améliorer mon destin me manquaient terriblement. Être en affaires, c’est comme tricoter lorsqu’on en raffole; on n’arrête jamais. Une maille à l’endroit, une maille à l’envers. Progresser, peu importe le projet, réchauffe mes vieux os.
La plupart des passagers étaient des couples, habitués aux croisières, à la vie de pacha, aux différents forfaits d’alcool et aux repas festifs. Et moi, je tournais en rond. Dans les ascenseurs, je montais, je descendais, je me trompais chaque fois de palier. Je mélangeais le sud et le nord. Un jeune Pakistanais en uniforme m’a pourtant expliqué la différence entre « tribord et bâbord ». Où se trouvaient donc les musiciens, les chanteurs, les magiciens? Où étais-je, si loin de mon gros Soleil?
Le bateau était immense, peut-être aussi gros que la ville de Québec avec ses banlieues. Sur cette île flottante, je perdais mes repères. Même lorsque la lune se montrait avec ses milliards d’étoiles, le navire ronronnait aussi vrai qu’une ville de rêves, de jeux et d’immenses mangeailles.
J’avais l’impression que ce voyage idyllique n’attirait que les têtes blanches. Certes, il y en avait beaucoup, mais c’est le grand nombre de familles asiatiques qui m’a le plus surprise, lesquelles comprenaient souvent une vaillante grand-mère pour garder les petits. J’aurais eu besoin moi aussi d’une nounou pour me raconter une histoire avant de m’endormir. Aurais-je mangé trop de sucreries?
Après deux jours consécutifs en mer, nous avons finalement mis pied à terre et marché plus de trois kilomètres pour atteindre le petit village de Sitka où nous avons admiré plusieurs totems et félicité les quelques artisans sculpteurs à l’œuvre devant les touristes. Le micro-village de pêcheurs m’a fait penser au plus pauvre village de ma Gaspésie natale : une église en bois, un cimetière bric-à-brac et des bateaux de pêche usés et vétustes à profusion.
Bien sûr, à chaque arrêt du bateau, les touristes se ruaient sur les tréteaux de bébelles. Des bas, des casquettes, des chandails identifiés ALASKA et des ours polaires ou des baleines miniatures de tout acabit. J’ai moi-même reluqué, tâté et examiné un beau châle orné de dessins inuits. Je l’ai pourtant replacé parce qu’une jeune Américaine le voulait. Tous ces petits villages que nous avons visités s'avéraient quasi identiques et avaient tous la même fonction : attirer les touristes et gagner quelques sous.
En soirée, je retrouvais mon groupe et nous soupions tous ensemble, toujours au même restaurant dont le menu changeait quotidiennement. Vous connaissez déjà mon penchant pour les produits de la mer. J’ai profité du festin qui s’offrait à nous. Je me régalais de soupe à l’oignon ou de chaudrée de palourdes et de délicieuses assiettes de poisson presque chaque soir. L’extraordinaire service m’éblouissait : les tables impeccablement dressées, les corbeilles de petits pains tous plus savoureux les uns que les autres, les boules de beurre parfaitement rondes et la magnifique verrerie.
Une copine de mon groupe de Québécois m’apprit que le bateau abritait plus de deux mille passagers et que quelque mille employés se tenaient à notre service. Tout, absolument tout, était parfait, tellement bien coordonné, comme si une baguette magique gouvernait le navire. Le cinquième ou sixième jour en mer, nous nous sommes enfin approchés des glaciers géants. C’était presque incroyable d’admirer ces montagnes glacées immortalisées en photo par tous ceux qui s’en sont approchés.
Emmitouflée sur le plus haut pont extérieur du bateau, mes yeux dévoraient le paysage. Devant nous, des millions de clics clics photographiaient ces majestueuses beautés. Le vent soufflait et mon nez coulait allègrement. Lorsqu’enfin un banc de baleines approcha; elles sortirent leurs têtes de l’eau et tous les passagers applaudirent à l’unisson.
Ce spectacle grandiose emplit mon cœur de souvenirs. Peut-être était-ce la première fois que la nature m’émouvait autant. L’immense paquebot fit ses adieux aux glaciers bleu-mauve, tourna sur lui-même et reprit sa course vers le nord. Les passagers qui étaient restés dehors ont tous eu droit à un délicieux chocolat chaud ou à une soupe ramen au poulet.
Je faisais partie d’un groupe de trente-deux Québécois, tous mariés, sauf Aline et moi qui étions des célibataires endurcies depuis très longtemps. Bien sûr, j’ai beaucoup hésité à partir toute seule et je crois fermement qu’avec un amoureux, les glaciers auraient fondu plus rapidement. Quoi qu’il en soit, j’emprunte à ma manière la fameuse phrase de Jules César en 47 avant J.-C. :
« Veni, Vidi, Vici ».
J’y suis allée, j’ai vu et je suis revenue.
Cora
❤️
J’avais 20 ans et 153 jours lorsque j’ai rencontré l’homme qui deviendrait mon mari. Oie blanche, candide et timide, j’avais reçu une éducation classique chez les religieuses. Plutôt intellectuelle, je ne connaissais rien des plaisirs de la vie. Tout ce qui comptait pour moi était de me rendre à la Sorbonne de Paris où j’avais réussi à être admise pour devenir écrivaine, ce que je souhaitais à tout prix. À bien y penser, qu’aurais-je donc écrit, dites-le-moi, si je n’avais pas rencontré cet énergumène d’homme qui a bousillé treize années de ma vie de jeune femme?
Je l’avoue, sa beauté remarquable m’avait séduite. Moi qui avais étudié l’ancienne civilisation grecque, des statues d’Adonis j’en avais vu des centaines. Mais l’homme qui m’avait attirée sur la piste de danse était bien vivant. Même si ma copine était plus de son goût, une fois résigné à moi, il me regardait droit dans les yeux et mon cœur fondait comme neige au soleil. Je n’avais jamais dansé de ma vie et, pourtant, j’ai laissé son bras prendre ma taille et tout doucement me tirer vers lui.
J’aurais dû m’en douter. Dans l’histoire ancienne que j’ai étudiée, Adonis courtisait à la fois Aphrodite et Perséphone. Imaginez-vous donc que le grand Zeus, roi des dieux, dût trancher la rivalité : Adonis passerait quatre mois de l’année avec chacune et quatre mois avec la personne de son choix. Voilà, à peu de choses près, ce que l’homme faisait en me cachant ses multiples déesses.
Alors que j’étais enceinte d’un troisième enfant, le mari m’avait forcée à tout abandonner à Montréal pour aller vivre en Grèce où il croyait qu’il trouverait facilement un emploi et que l’argent coulerait à flots. Ne savait-il pas que tous les hommes de son âge avaient quitté leur village natal pour immigrer vers des pays plus prometteurs? Nous venions de passer près de dix mois à Krya Vrysi et nous ne possédions rien de plus qu’à notre arrivée, sauf une nouvelle bouche à nourrir. La belle-mère avait finalement convaincu son fils de retourner auprès de ses deux frères à Montréal en promettant qu’elle et sa fille viendraient nous rejoindre pour que je puisse travailler pendant qu’elles s’occuperaient des enfants.
Dans ma caboche, le désordre d’émotions s’amenuisait. Mon petit cœur pouvait enfin anticiper le meilleur. Lorsqu’enfin arriva l’argent des frères du mari, l’homme s’empressa de courir à Thessalonique pour réserver nos billets d’avion. Ma belle-sœur pleurait, sa mère bougonnait, et moi j’étais folle comme un balai. Les deux plus vieux comprenaient que nous retournerions dans le pays de « papou » (le grand-papa québécois) et ils sautaient de joie.
En allant chercher un pain, j’ai revu l’ami Thanassis qui remplaçait son père au comptoir de la boulangerie. J’étais hyper contente de le voir.
— « Quand partez-vous? »
— « Je ne connais pas encore la date exacte, mais le mari m’a promis que ce serait dans moins de dix jours. »
— « Ton mari, avança Thanassis, prendra assurément son temps pour barguigner le prix des billets. Tout le monde le fait avec Olympic Airlines. D’ailleurs, pour un homme aussi prétentieux et exceptionnel que lui, ça devrait certainement marcher! »
Quant à moi, j’étais contente et heureuse. Mon cœur battait la chamade tellement j’avais hâte de retourner au Canada. J’allais retrouver l’eau courante à la maison, le chauffage électrique, le téléphone, une machine à laver et, bien sûr, un téléviseur. Tout ceci compenserait amplement le fait de ne pas nous être baignés dans la mer Égée. L’hiver canadien avale toute la végétation, mais la neige épaisse nous permet de nous promener en traîneau.
Dans les villages grecs, en 1972, la plupart des maisons avaient des toits plats où l’on installait une ou deux cordes à linge dépendant du nombre de résidents. La dernière lessive avant notre départ s’avéra pour moi très difficile. Le vent de novembre me mordait les doigts alors que j’étendais le linge mouillé, lavé et essoré à la main. Raison de plus de vouloir partir le plus vite possible au lieu de m’user la peau jusqu’aux os! J’étais soulagée de rentrer au pays.
De retour au Canada, nous allions aussi retrouver le crémage sur les gâteaux, le pouding chômeur, les hot dogs « steamés », la moutarde, le ketchup, les frites et les patates pilées, le pâté chinois, les guimauves, le blé d’Inde en conserve, la mayonnaise, le beurre de « peanut », le caramel, le pain tranché pour faire de bons toasts, les grosses citrouilles décorées et les bonbons d’Halloween. Si nous nous pressions, peut-être verrions-nous dans les parterres et sur les devantures de maisons des sapins de Noël remplis de boules multicolores.
En arrivant à Thessalonique, il n’était plus question de prendre l’avion. Nous nous rendrions plutôt à Athènes en autobus et j’ai tout de suite eu peur. Je repensais à notre vieux chauffeur fou qui avait embouti un camion d’oranges. Heureusement, nous nous en étions sortis avec une bonne frousse, mais rien de plus. Cette fois, un jeune chauffeur s’assit au volant et je me suis calmée. J’avais les deux plus vieux collés chaque côté de mon corps et le tout petit endormi dans mon cou. J’ai commencé à leur fredonner « À la claire fontaine », mais le mari m’en a vite empêchée. Oui, oui! Je devais toujours parler aux petits en grec, même en chantant!
Les brigadiers de l’aéroport d’Athènes ont bien voulu nous offrir une platée de phrases rassurantes, mais dehors, un vent à écorner les bœufs faisait peur aux voyageurs. Le mari avait assis les deux plus vieux dans un grand chariot de magasinage avec nos deux valises. Le tout-petit dans mes bras n’arrêtait pas de pleurnicher. Dans la salle d’attente, tous les passagers semblaient inquiets. J’entendais les conversations et mon angoisse bondissait chaque fois d’un cran. Un certain vent très puissant nommé « Bora » terrorisait régulièrement la mer Égée et empêchait les avions de décoller.
Nous avions soif. Nous avions faim. Nous avions peur. Arriverions-nous à bon port? Le mari fumait une cigarette après l’autre et je récitais des « Je vous salue Marie ». Il nous fallut attendre au lendemain pour finalement partir. Tous les passagers à destination de Montréal, sauf probablement ceux voyageant en première classe, ont dormi sur des petits matelas de secours ou sur les bancs de la salle d’attente. Nous allions finalement quitter la Grèce. Le rêve du mari de travailler peu et de devenir riche ne se concrétiserait jamais.
Le lendemain matin, nous sommes embarqués dans l’oiseau géant et je me suis empressée de remercier le grand manitou. Puis, j’ai invoqué sa clémence pour qu’il m’aide à m’éloigner de l’époux. Il m’était impossible de me développer dans une atmosphère hostile où je n’étais ni reconnue ni appréciée. J’aspirais à vivre dans un monde plus noble, plus vertueux et plus généreux. Un monde où règne la bonté, la gentillesse, l’amour, le courage et la compassion. Je me savais honnête et vaillante et capable de me trouver un emploi pour nourrir mes petits.
Comme vous le savez sans doute, j’en avais encore pour quelques années à subir les affres du mari. Précisément jusqu’à un certain jour de novembre 1980. J’étais mariée depuis 13 longues années et, ce matin-là, mes enfants et moi avons pris notre courage à huit mains et nous nous sommes enfuis du logis pour toujours. Je venais enfin d’émerger de mon cauchemar.
Que reste-t-il à dire de ce fameux voyage en Grèce? L’Office national hellénique du tourisme vous dirait que « tous les touristes du monde qui visitent ce magnifique pays en reviennent éblouis ».
Essayez pour voir!
Cora
❤️
Je croupissais depuis presque huit mois dans la maison de la belle-mère sans eau courante ni chauffage électrique, au cœur d’un village pauvre et déserté par toute la jeune population.
Dans l’immense courtepointe du monde, les anges entre-tissent souffrance et beauté, espoir et désarroi. Toutes les laines qui cousent l’ouvrage ont les couleurs de l’humanité. Nous, les humains, sommes des œuvres en cours de création, continuellement. Ce matin, je me demande ce qui m’est le plus difficile à avaler : mes erreurs de jugement, mes convictions erronées ou cet affreux mariage auquel j’ai consenti parce qu’un enfant grouillait dans mes entrailles. Jeune fille, j’avais pourtant une confiance illimitée dans l’avenir. Je me souviens, avec grand-père Frédéric, nous installions des collets pour capturer un ou deux lièvres pour notre souper. J’adorais ces balades en forêt! Mariée, je suis devenue le lièvre dans le collet.
Peu après avoir donné naissance à mon petit dernier, j’avais commencé à avoir des nausées et je me doutais bien pourquoi, mais je n’en avais pas glissé un mot à personne. Puis, 40 jours après l’accouchement, lors de l’examen de suivi obligatoire, l’homme s’était arrangé avec le médecin pour m’endormir et m’avorter sur le champ. Je ne lui ai jamais pardonné. Ce mari entrait en moi comme un petit serpent domestique dans une fissure. Ensuite, il fumait deux, trois cigarettes, s’habillait et partait s’amuser. Avec lui, mon cœur s’éteignait à petit feu. Je n’ai jamais pu contrecarrer les décisions du mari; ni m’élever au-dessus des besoins primaires du foyer pour réussir à expérimenter d’ineffaçables moments de grâce avec mes enfants. Pour sûr, j’aimais mes petits, je les chouchoutais et les chérissais et ils m’aimaient comme des petits chats qui ont besoin de lait, de chaleur et de caresses pour survivre. Ils me gardaient en vie.
Après le sermon de sa mère, l’homme voulut juste plier bagage et déguerpir. Sa mère, sa sœur et moi étions très surprises, mais heureuses de sa réaction. Le mari, les enfants et moi retournerions à Montréal en premier trouver un logis et ensuite faire venir la belle-mère et sa fille. Pauvre mari, la vraie vie le déprimait comme un glaçon qui fond. Indubitablement, les dieux grecs n’ont pas tous enfanté des « Zorba le Grec » qui prennent la vie du bon côté et passent leurs émotions par la danse. Ce personnage plein d’entrain issu de l’œuvre originale « Alexis Zorba » de l’écrivain grec Nikos Kazantzakis fit d’ailleurs l’objet d’un film. Lorsqu’aux petites heures du matin le mari dansait et faisait la fête, il devait être aussi heureux que le personnage de Zorba, mais je n’en étais jamais témoin. De mon temps, ces mâles grecs discutaient, sortaient et dansaient entre hommes uniquement. La plupart travaillaient dans la restauration et festoyaient comme ces précieux rois de l’antique Grèce.
Étant moi-même beaucoup plus réaliste, j’avais mal à l’idée que personne ne nous aiderait à recommencer en sol québécois. Comme le mari s’était débarrassé du peu de meubles que nous possédions avant de mettre le cap sur la Grèce, il faudrait repartir à zéro. Les belles-sœurs de Montréal m’avaient prédit que nous retournerions rapidement au Canada. Elles se doutaient, et avec raison, que nos grosses valises arrivées par bateau n’avaient pas été ouvertes. L’homme allait devoir les renvoyer à Montréal par le même chemin.
L’inquiétude et la peur me rongeaient. Je me demandais si l’époux aurait assez d’argent pour assurer notre retour au pays. Il fallait prévoir les billets d’avion ainsi que le transport par bateau des valises qu’on venait récemment de nous livrer. En plus, nous avions besoin d’un papier officiel pour quitter le pays avec notre tout-petit né en Grèce. Ce document ne devait pas être un acte de baptême pour lui éviter plus tard le service militaire obligatoire. Début novembre, le mari se rendit deux fois au consulat canadien d’Athènes et a finalement réussi à inscrire le petit Nicholas sur son passeport.
« Il n’est pire servitude que l’espoir d’être heureux », a écrit Carlos Fuentes. J’espérais une vie meilleure comme on espère la pluie en plein désert. L’ami Thanassis s’était éloigné depuis son voyage catastrophique avec le mari à Cologne et je n’avais plus personne à qui parler. L’homme attendait l’argent de ses frères pour acheter nos billets d’avion. Je ressentais une combinaison de honte et de peur. En berçant mon tout petit, de grosses larmes glissaient sur mes joues, tombaient sur les cuisses du bébé, sur ma vie inondée de petits malheurs quotidiens. Arriverions-nous à trouver un bon logis pour mes enfants et assez grand pour éventuellement accueillir la belle-mère et la belle-sœur? Une école sera-t-elle disposée à accueillir le plus vieux en janvier?
Je me sentais comme une toupie qui tourne sans cesse en essayant de se maintenir en équilibre. Plier ceci, donner ce qui n’allait plus aux enfants, repriser ou repasser cela; j’en oubliais de saler la soupe en la cuisant. Ma belle-sœur Despina essayait de me calmer puis, lorsque le tout-petit avait bien tété, elle m’expulsait de la maison pour que je puisse me changer les idées. Un certain dimanche, je profitai de l’occasion. J’empruntai le foulard de la belle-mère et me rendis à l’église du village. Le pope grec m’a bien accueillie.
— « Koritsi mou (ma fille), que puis-je faire pour t’aider? Je sais que tu as trois petits enfants, une belle-mère et une belle-sœur.
— « J’ai aussi un mari, un fainéant qui se croit sorti de la cuisse de Jupiter. »
— « Ton nom, c’est bien Cora? »
— « Oui, mon nom de baptême catholique est Marie Antoinette Cora. »
— « Ça ressemble au nom de la reine guillotinée en octobre 1793. »
Je voulus répondre au pope que le licou était déjà bien serré autour de mon cou depuis mon mariage obligé, mais je me suis retenue. Après quelques échanges, l’ecclésiastique trempa son doigt dans une eau bénite et traça une croix sur mon front en murmurant « Va en paix, jeune femme. »
Où diable se trouvait cette paix promise aux femmes de bonne volonté?
À SUIVRE…
Cora
❤️
Nous étions en Grèce depuis plus de sept mois. Le mari ne s’était toujours pas trouvé d’emploi. Il était rentré bredouille de son voyage en Allemagne.
Je n’ai jamais voulu être un prophète de malheur, mais j’ose dire que tout ce qui est arrivé, je l’avais pressenti. Un homme comme mon mari ne change pas en criant ciseau. Toute sa jeunesse, selon sa sœur Despina, il courait après les plus belles filles du canton. Il les attrapait toutes parce qu’il était lui aussi le plus beau Roméo du village. Comme il a dû faire son service militaire, il est devenu encore plus attirant à titre d’officier de l’armée de terre.
Un peu après notre mariage, ce Casanova m’avait même confié que l’amour de sa vie était une certaine Helena, enseignante, mère de deux enfants et élue la plus belle femme de son village trois années d’affilée. Était-il allé la visiter durant notre séjour? Lui avait-il parlé une fois, deux fois, trois fois? Je n’ai pu me retenir et j’ai demandé à ma belle-sœur Despina si mon mari avait visité son ancienne flamme depuis notre arrivée. Elle m’a répondu qu’il l’avait effectivement vue, « mais seulement deux fois puisque son mari, Theodoros, était encore jaloux de lui comme un tigre ».
Le mari avait certainement oublié de me le dire. De toute façon, il ne m’avait rien dit depuis son retour de Cologne. Qu’avait-il fait là-bas pendant trois semaines? Avait-il trouvé des opportunités de travail? J’en doutais. Un kiosque à pizza ou à souvlaki à gérer? Contremaître dans une manufacture? De toute façon, rien ne serait à la hauteur de ses attentes. Allait-il finalement me dire comment nous allions vivre avec deux vieilles femmes et trois enfants à la maison?
Il n’y avait pas d’école anglaise ni française à Krya Vrysi et les deux plus vieux ne faisaient que baragouiner le grec. De toute façon, le mari avait-il encore l’idée de rester en Grèce? Ses blanches mains n’iraient certainement pas aider les gitans à récolter le coton. J’étais au bout du rouleau, moralement épuisée, découragée, brisée et totalement déçue. Bientôt, j’allais devoir vendre quelque chose pour acheter des chemisettes au tout petit qui grandissait. Mon alliance, peut-être? De toute manière, je ne voulais plus la porter. J’essayai de me calmer au lieu de pleurer. Je pris le tout petit dans mes bras et le berçai dans la chambre du haut. L’enfant gazouilla et s’endormit. Le temps froid et pluvieux me donnait le cafard. Était-ce le bon moment pour parler de notre avenir au mari? Dormait-il encore?
Finalement, ce fut sa mère qui parla la première.
— « Yavrum » (enfant chéri), la vie au village est de plus en plus difficile. Nous n’avons pas assez d’argent pour installer l’eau courante ni le chauffage électrique. Quant au bois, même Despina est trop vieille pour fendiller les bûches. Nous avons un trop grand jardin à désherber. Comme nous avons bon cœur, nos légumes aboutissent généralement sur la table des voisins. Toutes les jeunes grand-mères partent en Amérique pour aider les enfants de leurs enfants. Et nous, nous voulons faire comme elles! Despina et moi voulons aller vivre en Amérique. Tes deux frères y gagnent bien leur vie et ils nous aideront. Yavrum, para calo (enfant chéri, s’il te plaît), allons à Montréal au plus vite et Despina cuira un bel agneau pour fêter nos retrouvailles, tous ensemble. »
Et moi, en bonne épouse québécoise que j’étais, je m’empressai d’ajouter que je cuisinerais mes spécialités grecques : « Je ferai des feuilles de vigne, ma traditionnelle soupe « youvarlakia » (soupe aux boulettes de viande et de riz dans une sauce aux œufs et citron), des feuilletés aux épinards, de délicieux « kourabiedes » (biscuits aux amandes et au beurre) et des baklavas. La belle-sœur ne manqua pas de renchérir elle aussi en disant qu’elle serait très heureuse de garder mes petits.
L’homme muet grilla une cigarette après l’autre jusqu’à ce que sa mère et sa sœur arrêtent de parler. Moi, comme la femme de Loth, je me suis transformée en statue de sel. Le yavrum à sa maman allait-il être d’accord pour retourner au Canada? Mes yeux se mouillaient, mon cœur s’affolait, tandis que le ciel là-haut devenait mauve et empli de beauté. Le bonheur serait-il un coup de chance? Un état qui nous tomberait dessus sans crier gare? Je me souviens de cette citation de Goethe apprise au collège : « Le plus pur bonheur du monde renferme un pressentiment de souffrance ».
Peut-être qu’en ce qui me concerne, la souffrance arriva la première. Mais le bonheur, j’essayais de m’en convaincre, arriverait plus tard. J’avais mal à mes yeux, mal à mon cœur et surtout mal à mon intelligence. Je pensais à tout ce à quoi j’avais dû renoncer depuis notre union : à mes grandes études, à l’écriture que j’aimais, à ma famille, à ma liberté et à ma propre gouverne. À titre d’épouse de ce dieu grec, sous son joug, je n’avais aucun droit, aucune autorité, ni véritable amour, ni intimité valable, ni la capacité de décider de quoi que ce soit. À quoi pourrais-je m’accrocher? Ce mariage se transformait en un licou serré, tellement serré qu’il m’empêchait de progresser.
À SUIVRE…
Cora
❤️
Les restaurants Cora sont fiers d’annoncer que la marque devient désormais un partenaire de choix de la compagnie aérienne WestJet. En effet, le transporteur canadien offre dorénavant le déjeuner Cora dans sa cabine Privilège à bord de ses vols matinaux. Il s’agit d’une délectable marque de confiance à l’égard notre entreprise, la pionnière des restaurants de déjeuners au Canada!
WestJet propose, depuis le 26 juin, un déjeuner Cora sur la plupart de ses vols d’une durée de deux heures et demie et plus. Les plats offerts sont inspirés des repas déjà prisés des mordus des déjeuners Cora : les oeufs Ben et Dictine à la dinde fumée, la Cassolette de légumes et l’Omelette au cheddar vieilli et aux épinards avec saucisse à la dinde.
Il s’agit d’une savoureuse opportunité pour Cora déjeuners d’accroître sa notoriété et de faire découvrir son menu auprès d’un public voyageur en donnant aux passagers de WestJet la chance de savourer un déjeuner Cora dans la cabine Privilège du transporteur.
Bon voyage!
Franchises Cora inc., le chef de file canadien des petits-déjeuners, est fière d'annoncer qu'un autre soleil s'ajoute à sa bannière dans l'Ouest Canadien. Cette fois, c'est la ville de North Vancouver qui a vu le soleil se lever.
La grande pionnière et fondatrice, Cora Tsouflidou, était de la partie lors de la Grande ouverture. C'est lors de cette célébration qu'elle procède à la Cérémonie de la Première omelette, une tradition par laquelle la première omelette du restaurant est réalisée de manière tout à fait symbolique.
Cette nouvelle franchise fait partie du plan d’expansion pancanadien de la compagnie québécoise. Il s'agit du 10e restaurant Cora en Colombie-Britannique pour la plus grande chaîne de restaurants de déjeuners et dîners à travers le pays.
Avec plus de 130 franchises en fonction, Cora continue à offrir une gastronomie matinale spécialisée en déjeuners : une nourriture et un service de première qualité, le tout dans une chaleureuse atmosphère familiale.
L’année 2019 en est une de développement pour Franchises Cora inc., le chef de file canadien des déjeuners. L’entreprise fait rayonner son soleil symbolique dans les plus grandes villes au pays!
Deux autres restaurants ont ouvert leurs portes en mars. Comme dans bien des cas chez Cora, il s’agit d’une aventure familiale. Ainsi, le restaurant du quartier St. Vital, à Winnipeg, est géré par un couple de franchisés qui est tombé sous le charme des restaurants Cora, de leurs menus colorés et de tous les plats joliment agrémentés de fruits.
La plus récente ouverture est celle du second restaurant situé à Regina. Le franchisé a d’abord ouvert un premier Cora en novembre 2018. Fort de cette aventure, il s’est lancé dans le développement de son deuxième restaurant et a ouvert les portes de celui-ci le 18 mars dernier.
Les deux nouvelles franchises font partie du plan d’expansion pancanadien de la compagnie québécoise. Avec 130 restaurants en activité, Cora continue à offrir une gastronomie matinale spécialisée en déjeuners et poursuit sa mission d’offrir une nourriture et un service de qualité dans une chaleureuse atmosphère familiale.
Le leader canadien des petits-déjeuners ouvre deux nouveaux restaurants
Franchises Cora inc., le chef de file canadien des petits-déjeuners, est fière d'annoncer l'ouverture de deux nouveaux restaurants dans l'Ouest Canadien. L'Alberta a accueuilli un nouveau soleil Cora au centre-ville d'Edmonton alors que la Colombie-Britannique a célébré l'arrivée du restaurant dans la ville de Surrey.
La grande pionnière et fondatrice, Cora Tsouflidou, était de la partie lors des deux Grandes ouvertures en compagnie de différents dignitaires, influenceurs locaux et invités. C'est lors de cette grande célébration qu'elle procède à la Cérémonie de la Première omelette, une tradition par laquelle la première omelette du restaurant est réalisée de manière tout à fait symbolique.
Les deux nouvelles franchises font partie du plan d’expansion pancanadien de la compagnie québécoise. Il s'agit du 9e restaurant Cora en Colombie-Britannique et du 18e en Alberta pour la plus grande chaîne de restaurants de déjeuners et dîners à travers le pays.
Avec 130 franchises en opération, Cora continue à offrir une gastronomie matinale spécialisée en déjeuners : une nourriture et un service de première qualité, le tout dans une chaleureuse atmosphère familiale.